Le musée des Beaux-Arts d’Arras accueille une exposition de carrosses
en tous genres, issus des collections de Versailles.
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, voyager au sein des voitures « hippomobiles » lourdes, mal suspendues et peu maniables était un enfer. N’est-ce pas Madame de Sévigné qui dit à son cocher « Je vous recommande ma fille, ne la versez pas ! » ? La princesse Palatine, si elle leur accorde la douceur d’« une barque sur l’eau », raconte comment du verre a pénétré l’épaule d’une de ses dames, lors d’un versement du carrosse. En 1825, sur la route qui mène au sacre de Reims, les huit chevaux du carrosse de Charles X prennent le mors aux dents à cause des tirs de canons de cérémonie. « Nous allons verser, dit le Roi à son fils, en baissant les glaces de la voiture […] ». Grâce au cocher qui scie les rênes et au postillon qui maîtrise les chevaux, le roi s’en sort sans dégâts. En revanche, la voiture qui l’accompagne tombe dans un ravin. Bilan : côtes brisées pour le comte de Curial, mâchoire abîmée pour Arthur de Cossé, premier maître d’hôtel, et oreille coupée par les glaces des stores pour le duc de Damas. On comprend qu’avant chaque départ, les voyageurs recommandent leur âme à Dieu. Car, en plus, les brigands infestent les routes. On tente de s’en prémunir en enfermant des armes (mais aussi ses objets de valeurs) dans le « tambour » ou l’« arsenal », accessible depuis l’intérieur de la voiture. Dépassements intempestifs, virages mal négociés, neige, bourbiers… la liste des autres dangers et difficultés de voyage est facile à allonger.
Puis, le confort des véhicules progresse. Dès 1600, des sièges d’aisance équipent les voitures. Suivent boîtes à chapeaux, grands coffres de voyage, cave sous le plancher pour stocker boisson, nourriture, couvertures, bouillottes… La suspension par soupentes réglables en cuir débarrasse les voyageurs du contact direct de la caisse avec la flèche axiale. Et le brancard en « col de cygne » donne au cocher l’angle de braquage nécessaire pour bien manœuvrer. Napoléon ne partait pas en campagne sans une bibliothèque et disposait aussi d’un véhicule dont la caisse lui permettait d’allonger les jambes. Parfois, l’exiguïté de la voiture, conjuguée à la chaleur et aux cahots, favorisait, dit-on, de tendres idylles… Et si on souhaitait communiquer avec son « chauffeur », on tirait un nombre convenu de fois sur le cordon de cocher. Pour lui dire « Roulez carrosse ! ».
François Appas,
Responsable des visites conférences au Château.
À VOIR
Exposition
Versailles à Arras : Roulez Carrosses !
du 17 mars 2012 au 10 novembre 2013
Musée des Beaux-Arts d’Arras
À LIRE
- Catalogue de l’exposition, sous la direction de Béatrice Saule, éd. Skira-Flammarion, 256 p., relié, 39,90 €
- Connaissance des Arts, hors-série, 44 p., 9 €
- « Une écurie de carrosses », par Hélène Delalex
- « Une berline à la loupe », par Hélène Delalex