magazine du château de versailles

De l’eau
pour Latone

Grâce au mécénat de la Fondation Philanthropia, commencent au mois de novembre des travaux pour rendre sa superbe à l’un des plus beaux bassins et son parterre : Latone. Les visiteurs seront invités à observer le déroulement du chantier, dans le respect des techniques de l’époque.

Bassin de Latone : vue d’ensemble du bassin dormant. © EPV / Thomas Garnier.

Louis XIV proposait de visiter les jardins comme ceci : « aller droit sur le haut de Latone et faire une pause pour considérer Latone, les lézards, les rampes, les statues, l’allée royale, l’Apollon, le canal, puis se tourner pour voir le parterre et le château ». C’est dire la place considérable du parterre de Latone et de sa fontaine, dans l’architecture des jardins. Pierre de Nolhac (1859-1936), ancien conservateur de Versailles, dit à quel point la vision du bassin se révèle être l’une des plus belles surprises du promeneur dans le parc : « À mesure que nous avançons, le Parterre de Latone se développe devant nous. En haut des marches qui y descendent, se dévoile brusquement la fontaine qui le nomme et que les yeux ne soupçonnaient pas, puisque, des balcons, même de la Galerie des Glaces, elle ne se laissait point apercevoir. »

Bassin de Latone (détail) : Les paysans de Lycie transformés en grenouilles par Jupiter (thème inspiré des Métamorphoses d’Ovide). © EPV / Thomas Garnier.

Le bassin de Latone fut conçu en même temps que le bassin d’Apollon, à l’extrémité occidentale de l’Allée royale : les deux groupes de sculpture des fontaines illustrent le mythe solaire sur l’axe principal des jardins. Le groupe de Latone constitue la première réalisation de grande ampleur en marbre de Carrare pour Versailles. Depuis 1670 – et maintenant par l’intermédiaire d’une copie fidèle –, il orne le centre de la grande perspective est-ouest des jardins. L’épisode représenté par les sculpteurs, les deux frères Marsy, est tiré des Métamorphoses d’Ovide. Poursuivie par la jalousie de Junon, Latone, mère de Diane et d’Apollon, traverse la Lycie dans sa fuite. Elle s’arrête près d’un étang pour se désaltérer, mais les paysans du voisinage tentent de l’empêcher de boire. Face à leurs menaces, Latone implore le secours de Jupiter, le père de ses enfants. Aussitôt, les paysans lyciens sont transformés en grenouilles et en crapauds.

« Venant de la terrasse du Château, qui surplombe le bassin, le visiteur découvrait Latone, qui semblait le supplier de lui venir en aide. »

Tourné à l’origine vers le Château, ce groupe de marbre fut disposé au centre d’un bassin peuplé de paysans en cours de mutation et de grenouilles : l’ensemble illustrait le moment précis de la métamorphose, comme figé par un cliché photographique. Venant de la terrasse du Château, qui surplombe le bassin, le visiteur découvrait Latone, qui semblait le supplier de lui venir en aide. Entre 1687 et 1689, le bassin fut profondément remanié par l’architecte Hardouin-Mansart : le groupe central, désormais tourné vers l’ouest, fut juché au sommet d’une pyramide de marbre composée de quatre degrés de forme ovale, sur lesquels prirent place les paysans et les grenouilles d’origine, auxquels furent ajoutés de nouvelles grenouilles et des lézards.

D’aucuns virent dans l’allégorie de cette fontaine, une allusion à la punition des Frondeurs révoltés contre l’autorité royale, lors de la minorité de Louis XIV, la régence d’Anne d’Autriche avec son ministre Mazarin. Néanmoins, aucun commentaire du temps ne permet d’établir que le bassin de Latone constitue une allusion à cet épisode. En revanche, le guide de Combes insiste sur l’opposition entre la Beauté, symbolisée par le groupe de marbre, et ceux qui, comme les grenouilles de plomb, ne la reconnaissent et ne la respectent pas1. Ainsi, le programme du bassin montre non seulement la protection divine accordée à Apollon, symbole du souverain, mais aussi, de manière plus générale, la victoire de la civilisation, sculptée dans la blancheur du marbre, sur les forces monstrueuses de la révolte, qui luttent contre l’ordre divin.

Alexandre Maral,
Conservateur en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

1. Combes, 1681, p. 121-122.

Bassin de Latone : Fontainier à l’ouvrage. © EPV / Thomas Garnier.


Les parterres de Le Nôtre restitués !

« Deux parterres […] entretiennent la vue/Tous deux ont leurs fleurons d’herbe tendre et menue / Tous deux ont un bassin qui lance ses trésors […] » C’est ainsi que Jean de La Fontaine décrit les parterres de Latone, créés par Le Nôtre en 1665. Ces vastes pièces (1,35 hectares) coupés de gazon à enroulements et coquilles, vont exister jusqu’au début du XIXe siècle. Ils ont, depuis 1818, été transformés en simples compartiments de pelouse bordés de plates-bandes fleuries. L’abondante et très précieuse documentation, dont est tiré le dessin ci-dessus, permet de retracer avec précision l’emplacement et les figures des anciens ornements. Gazons, bordures de buis, lignes de topiaires d’ifs d’après ces sources, redonneront, autour du bassin, ces « fleurons » que décrivait le fabuliste.


Bassin de Latone : Latone implorant Jupiter, entourée de ses enfants Apollon et Diane, de Balthazar et Gaspard Marsy. © EPV / Thomas Garnier.

Latone, sous influence antique

Le groupe sculpté de Latone, à plusieurs titres, est tributaire de l’antique : par sa pose, la figure de Latone évoque l’attitude protectrice de Niobé et le drapé de son vêtement, qui semble glisser sur ses hanches, à peine retenu par la taille, rappelle celui de la Vénus d’Arles. La sculpture originale du bassin de Latone est présentée dans le cadre de l’exposition « Versailles et l’antique ».


Détail d’une des grenouilles du bassin de Latone. © EPV / Thomas Garnier.

Latone, un chantier à visiter !

Le chantier de Latone, réalisé en conformité avec les techniques anciennes, sera l’occasion de découvrir les métiers d’art qui font la valeur de Versailles ; les visiteurs pourront observer la manière dont travaillent fontainiers, doreurs, jardiniers pour redonner à ce parterre et à son bassin, les couleurs et le faste qu’il avait sous Louis XIV. Autour du chantier, un parcours donnera à voir et comprendre les techniques et les savoir-faire d’autrefois, à travers des textes et des vidéos.

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