Pour le 250e anniversaire de la mort du compositeur
Jean-Philippe Rameau en 2014, une série de concerts exceptionnels est prévue à Versailles. Notamment : Patrick Cohën-Akenine, violoniste et fondateur des Folies françoises, qui interprète le 15 mars des cantates à voix basse dans le Grand Cabinet de la Dauphine… Entretien.
Selon vous, quelle place a joué Rameau dans l’histoire de la musique ?
Patrick Cohën-Akenine C’est le compositeur français le plus important du XVIIIe siècle. Il débute sa carrière à seulement quarante ans. De quarante à soixante-cinq ans, il écrit tous ses opéras. Son premier est Hippolyte et Aricie en 1733. Il meurt en 1764. Rameau a défendu le style français et sa construction harmonique exceptionnelle, savante.
Quel statut avait Rameau à la Cour de Versailles ? Le roi lui commandait-il des œuvres ?
P. C-A. Rameau faisait partie des officiers-musiciens. Ils avaient une très bonne formation, participaient aux cérémonies officielles et portaient l’épée, à l’instar des musiciens de la garde républicaine aujourd’hui. Il était à l’Académie royale. Quasiment chaque année, on lui commandait un opéra. C’est pour ça qu’on a de très beaux ouvrages de Rameau, bien conservés à la bibliothèque de l’Opéra. Rameau est aussi connu pour ses écrits théoriques. Il a pris part à cette « querelle des bouffons ». Une controverse a éclaté entre deux clans. Rousseau et Grimm, notamment, étaient contre la musique française, lui reprochant d’être trop savante, pénible. Rameau la défendait.
Qu’avez-vous choisi de jouer pour votre concert du 15 mars ?
P. C-A. Des cantates pour voix de basse. Ce sont des textes mis en musique et chantés, pensés pour la « chambre », un public plus restreint. Dans l’œuvre de Rameau, elles précèdent la période des opéras, mais toute la maîtrise du compositeur est déjà là : il avait écrit beaucoup de musique religieuse avant. En tant que violoniste et donc évoluant dans la tessiture aigüe, une chose m’intéressait avec la basse : l’équilibre qui se construit avec le chanteur dans les graves. On joue des pièces de clavecin magnifiques. Rameau, qui jouait de cet instrument, est l’un des premiers à le mettre au centre de sa musique. Le violon et la viole de gambe vont donner une couleur supplémentaire.
Avec votre ensemble des « Folies françoises », vous vous attachez à retrouver les sonorités des instruments anciens. Jouer Rameau « dans le son de l’époque » est-il possible aujourd’hui ?
P. C-A. Notre violon actuel est une émanation de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. Ce qu’a réussi Antonio Stradivarius, c’est l’homogénéité de l’instrument, de la note la plus grave à la note la plus aigüe. On parle souvent de son secret mais le plus remarquable est sa capacité à jouer dans toutes les tessitures et dans toutes les positions. L’instrument qui va nous intéresser en France au XVIIIe siècle est un peu dans cette gamme. Comparé à l’instrument du XVIIe siècle, il a plus de clarté, de lumière. Il est plus chatoyant. Et la période est plus chatoyante, elle aussi. Elle est plus légère et plus libertine, « sans souci ». Le règne de Louis XV c’était la fête galante, le plaisir avant tout et donc le plaisir du son, une certaine luminosité.
Avec quel violon projetez-vous de jouer ces pièces ?
P. C-A. Je suis en train de faire fabriquer un instrument. C’est un instrument inspiré du travail de Louis Guersan, qu’on appelle justement le Stradivarius français. C’est un grand luthier du temps de Louis XV à Paris, dont les instruments correspondent bien aux caractéristiques de son de cette musique.
Propos recueillis par Victor Guégan.
À VOIR
Pièces de clavecin et cantates en concert
Aquilon & Orithie, Thétis – cantates pour basse-taille, violon et basse continue
Samedi 15 mars 2014, à 20 h dans les appartements du Dauphin et de la Dauphine.
Distribution :
Arnaud Marzorati, basse
Patrick Cohën-Akenine, violon
Christine Plubeau, viole de gambe
Béatrice Martin, clavecin
Direction artistique : Les Folies françoises / Patrick Cohen-Akenine
Une coréalisation CMBV / Château de Versailles Spectacles.
Les autres temps forts de l’année Rameau à Versailles
Les Fêtes de l’Hymen & de l’Amour ou Les Dieux d’Égypte
Par le chœur et orchestre du Concert Spirituel (direction : Hervé Niquet). Vendredi 13 février, à 20 h à l’Opéra royal.
Suites pour clavecin de Dardanus, Castor et Pollux, Pygmalion et des Indes galantes
Clavecin : Kenneth Weiss. Samedi 8 mars, à 18h au Château (salle des gardes du Dauphin).
Nouvelles Suites de pièces de clavecin (1729-1730)
Clavecin : Blandine Rannou Dimanche 9 mars, à 15h au Grand Trianon (galerie des Cotelle).
Le Berger fidèle/Orphée – Cantates et pièces de clavecin
Direction artistique : Héloïse Gaillard et Violaine Cochard. Dimanche 9 mars, à 17h au Grand Trianon (Péristyle).
Symphonie à deux clavecins
Clavecin : Pierre Hantai et Skip Sempé. Samedi 15 mars, à 18h au Château (dans les appartements du Dauphin et de la Dauphine).
Rameau en 5 dates :
1683 : Naissance à Dijon
1722 : Parution de son célèbre Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels qui fait école.
1733 : Composition de la tragédie lyrique Hippolyte et Aricie qui consacre Rameau comme l’un des grands compositeurs français de son époque.
1745 : Retour de Rameau sur la scène lyrique après 4 ans d’absence. Il devient le musicien officiel de la Cour. La Princesse de Navarre est jouée lors du mariage du Dauphin, tout comme Platée dont la première est jouée à Versailles le 31 mars.
1764 : Rameau est anobli et fait chevalier de l’Ordre de Saint-Michel. Il décède quelques mois plus tard, le 13 septembre 1764. Il sera inhumé en l’Église Saint-Eustache à Paris.