magazine du château de versailles

l’abondance retrouve 
son orient

La restauration des Grands Appartements se poursuit ! Après le Salon de Mercure peint par Jean-Philippe de Champaigne (Carnets de Versailles #1, p. 34), c’est au tour du Salon de l’Abondance, dont le plafond a été peint par René-Antoine Houasse (1645 env.-1710).

tapis

C’est toujours une aventure que d’entreprendre une restauration tant les opérations doivent être préparées, menées avec prudence et pourtant révèlent toujours des surprises et, à chaque fois, renouvellent notre vision de l’œuvre. Le travail, commencé à l’été 2012 et qui s’achèvera à l’automne 2013 sur le plafond du Salon de l’Abondance, ne fait pas exception. Inscrit dans le programme des chantiers menés au Château depuis plusieurs années, il est l’occasion de redécouvrir un décor dont les qualités d’inventivité et l’illusionnisme parfaitement maîtrisé de la composition, le sens des perspectives et du mouvement ainsi que la vivacité des coloris et la transparence des cieux avaient été voilés par les méfaits du temps.
Aménagé en 1683, le Salon de l’Abondance clôt la vaste entreprise du Grand Appartement du Roi (1671-1681). Il y tient à plus d’un titre une place particulière. Tout en se situant visuellement dans l’enfilade, il n’en fait pas véritablement partie, mais occupe une double fonction servant à la fois de vestibule au Cabinet des Curiosités ou des Raretés attenant, remplacé par le Salon des Jeux du Roi, et de vestibule aux tribunes de la chapelle, remplacée par le Salon d’Hercule. De petites dimensions (environ 115 m²), il comporte le seul décor plafonnant entièrement peint sur enduit de plâtre par René-Antoine Houasse, élève, puis fidèle collaborateur de Charles Le Brun (1619-1690), premier peintre du roi qui dirigea le chantier des « Grands décors », dans les Appartements royaux, à partir de 1661.
Le décor du plafond est organisée par ensembles. On distingue un groupe central formé par la Libéralité, munie du sceptre et de la corne d’abondance, la Magnificence, dotée de la palme, d’un plan d’architecture et de sa pyramide, et la « Sollicitude du prince envers les Arts ».

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Un « deuxième cercle » est constitué de divinités, Neptune et Thétis, Minerve, Pluton accompagnés d’un personnage féminin, l’Asie dont la présence intrigue : pourquoi représenter un seul continent ? Serait-ce une allusion aux richesses de l’Orient ? Enfin, sur le pourtour, une balustrade dorée surmontée de jeunes filles (ou de nymphes ?), apparaît une multitude d’objets, vases, coupes, pièces d’orfèvrerie et tapis. Il s’agit d’allusions directes aux trésors enfermés dans la pièce voisine, le Cabinet de raretés aujourd’hui disparu – un programme iconographique, donc, qui relate la grandeur du prince envers les arts.Il est étonnant de voir combien, dès l’origine, les historiographes s’autorisent à donner leur propre interprétation de ce décor, faisant fi de la référence incontournable à l’époque, l’Iconologie de Cesare Ripa, revue par Jean Beaudoin. André Félibien (1619-1695), en particulier, voit la Magnificence sous les traits de la Libéralité, l’immortalité remplacer la Magnificience, la Piété se substituer à la Sollicitude du prince envers les Arts… Pourquoi de telles alternatives herméneutiques ? Une des nombreuses questions auxquelles les recherches menées en parallèle des travaux de restauration permettront peut-être de répondre.

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