Du 27 octobre au 21 février 2015 , le château de Versailles célèbre le tricentenaire de la mort de Louis XIV survenue le 1er septembre 1715 par une grande exposition sur les funérailles royales.
Le 10 août 1715, Louis XIV, légèrement indisposé, quitte le château de Marly où il séjournait depuis le mois de juin. La santé du monarque, jusque-là robuste et qui faisait l’admiration de ses contemporains semble chanceler. Le roi est pris de faiblesses, mais celles-ci, passagères, n’inquiètent point encore. Le 11 août, il fait une promenade dans ses jardins de Trianon. Ce sera sa dernière sortie. L’état du souverain se dégrade à vue d’œil. Le marquis de Dangeau, qui assiste au coucher du roi le soir du 12 août, s’effraie : « Il me parut en se déshabillant un homme mort ». Sa maigreur le frappe : « Il semblait, à voir son corps nu, qu’on en avait fait fondre les chairs ». Le 14 août, ne pouvant plus marcher, le roi se fait porter dans un fauteuil. Jusqu’au 24 août, il continue à se rendre chez Madame de Maintenon, à travailler avec les ministres, à recevoir des ambassadeurs. Il veille encore assez tard le soir avec les princes et princesses de la famille royale, mais ceux qui l’approchent constatent à quel point il peine parfois à cacher la douleur qui lui tenaille la jambe. Le 24 août, il renonce à se lever. La cour prend conscience de l’imminence de la fin, que le monarque lui-même paraît envisager avec sérénité et détachement. Louis XIV joue ici son dernier rôle et entend mourir en roi. En dépit du ballet des médecins qui s’agitent autour de lui – et qui finiront par l’achever, comme l’écrit Madame Palatine – le roi pense aussi à son salut et se prépare à mourir en chrétien. Le 25 août, jour de la Saint-Louis, c’est de son lit qu’il entend l’aubade traditionnelle que sa musique militaire lui donne dans la cour de Marbre. Dans la soirée, il perd conscience pour la première fois. Revenu à lui, il reçoit le viatique qu’ont apporté ensemble le cardinal de Rohan, grand aumônier de France, et le curé de Versailles. Il décide ensuite qu’il est temps de faire ses adieux à son entourage, et fait appeler les uns après les autres ceux à qui il souhaite parler : le petit Dauphin, bien sûr, le duc d’Orléans, le duc du Maine et le comte de Toulouse, les autres princes et princesses… Ces adieux, dans lesquels transparaît, derrière leur théâtralité calculée, une réelle sincérité, se poursuivent le lendemain, pendant les moments de rémission. C’est le 26 août, en fin de journée, qu’il adresse ces derniers mots à ses officiers et serviteurs :
« Messieurs, je suis content de vos services ; vous m’avez fidèlement servi et avec envie de me plaire. Je suis fâché de ne
vous avoir pas mieux récompensé que j’ai fait ; les derniers temps ne l’ont pas permis. Je vous quitte avec regret. »
Viennent ensuite les phrases célèbres :
« Je m’en vais mais l’État demeurera toujours ; soyez-y fidèlement attachés, et que votre exemple en soit un pour mes autres sujets. Soyez tous unis et d’accord ; c’est l’union et la force d’un État. »
Après le 26, le roi, considérant sans doute que ses affaires sont en ordre, va attendre la mort pendant cinq jours, alternant périodes d’inconscience et moments de lucidité qu’il consacre à d’ultimes instructions à son neveu, ses fils ou ses ministres. Le 1er septembre, à huit heures un quart, Louis XIV s’éteint.
Le grand apparat funèbre, auquel la mort de la reine, près de trente ans plus tôt, avait presque servi de répétition générale, va pouvoir se dérouler. Tout d’abord, le corps du roi est autopsié puis embaumé dans l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf et placé dans un double cercueil de plomb et de chêne que l’on expose ensuite dans le salon de Mercure, la chambre d’apparat du Grand Appartement, où vont se dire sans interruption des messes sur les deux autels dressés le long des murs. Sa maison continue à le servir de façon fictive et le fera jusqu’à l’inhumation à Saint-Denis. Dans les jours qui suivent, le 3 septembre, les entrailles du roi, enfermées dans un baril de plomb, sont portées à Notre-Dame de Paris et enterrées au pied du maître-autel de la cathédrale ; le 6 septembre, c’est au tour du cœur d’être porté dans l’église des Jésuites de la rue Saint-Antoine. Enfin, le 9 septembre, à 7 heures du soir, après les vêpres des morts, le cercueil est porté par seize officiers, huit de la chambre du roi et huit de la garde-robe, du salon de Mercure à la salle des gardes, où il est remis aux gardes du corps pour que ceux-ci le descendent dans la cour où attend le char funèbre. À 8 heures du soir, l’imposant convoi, composé de plusieurs centaines de personnes, se met en route à la lueur des torches. Il met presque douze heures pour rejoindre Saint-Denis, suivant un itinéraire plusieurs fois utilisé lors des funérailles de princes et princesses de la famille royale : quittant Versailles par l’avenue de Paris, le cortège funèbre gagne le pont de Sèvres, traverse le bois de Boulogne et retrouve à la hauteur de Saint-Ouen, ayant contourné Paris par le nord-ouest, le grand chemin de Saint-Denis où l’attendent le prieur et tout le chapitre de l’abbaye. De nombreux Parisiens sont sortis de la ville et se sont attroupés sur le chemin du convoi : le nombre des carrosses est immense et la foule des badauds ne montre pas toujours le recueillement ni même le respect qui conviendrait dans de telles circonstances… À 7 heures du matin, le cercueil entre solennellement dans l’église abbatiale et, après les quelques cérémonies d’usage, est porté dans le chœur où il est placé sur un catafalque de quelques marches, au milieu d’un imposant décor funèbre. Pendant une quarantaine de jours, le corps du roi est veillé par les religieux de Saint-Denis et les officiers de sa maison. Cette durée est nécessaire pour que dans l’église elle-même puisse être installée l’imposante décoration destinée à servir de cadre à l’inhumation solennelle du roi, où le cercueil sera descendu dans le caveau des Bourbons, dont l’ouverture se trouve à droite du maître-autel, au pied du tombeau de Dagobert.
Ce service solennel se déroule le 22 octobre 1715. Le grand aumônier de France officie, en présence du Régent, des princes de la maison royale et de tous les corps constitués, à commencer par le Parlement. Plusieurs centaines de personnes s’entassent sur les gradins construits exprès dans le chœur par les Menus-Plaisirs. L’oraison funèbre est prononcée par l’évêque de Castres, Quiqueran de Beaujeu. À la fin de la cérémonie, le cercueil est descendu du catafalque où il était exposé et porté dans le caveau. À l’appel de leur nom, les grands officiers de la Couronne viennent déposer tour à tour dans les mains des hérauts d’armes les insignes de leurs charges (éperons, gantelets, écu, heaume, épée, bannière, sceptre, main de justice et couronne). Les hérauts placent symboliquement les objets dans le caveau afin de montrer la rupture de la maison royale. Le grand-maître de France (ou celui qui le remplace dans ces circonstances) et le roi d’armes de France échangent ensuite les paroles rituelles annonçant à l’assistance la fin de la cérémonie et dont un registre conservé aux Archives nationales a conservé la teneur :
« Aussitôt, le duc de La Trémoille dit : Le Roi est mort ! Le héraut d’armes, reculant trois pas et se retournant vers le peuple, dit trois fois à haute voix : Le Roi est mort ! Prions Dieu pour le repos de son âme. L’on se mit à genoux et l’on pria l’espace de trois fois le Pater. Alors, le duc de La Trémoille, tenant le bâton du grand maître, dit à voix demie basse : Vive le Roi ! , ce qui fut répété trois fois à haute voix par le héraut d’armes, puis le même roi d’armes dit : Vive le roi Louis quinzième du nom, par la grâce de Dieu roi de France et de Navarre, très chrétien, très auguste, très puissant, notre très honoré seigneur et bon maître à qui Dieu donne très longue et très heureuse vie ! Alors le héraut qui était monté à la tribune cria : Vive le Roi ! et les trompettes et tambours qui étaient dans la nef sonnèrent ».
Le cercueil royal n’a pas pour autant terminé sa pérégrination puisqu’il est déposé juste à l’entrée du caveau, dans un petit retrait ménagé au pied de l’escalier et non avec les autres défunts de la maison royale qui, eux, sont placés tout au fond de cette crypte en forme de long boyau. Il y restera jusqu’à ce que son successeur vienne à son tour prendre sa place et lui permette d’être placé auprès de ses prédécesseurs, ce qui arrivera soixante-neuf ans plus tard.
À LIRE
Le Roi est mort, bande-dessinée de Simon Roussin Carnets de Versailles (version papier) n°7