Les collections de peintures du XVIIIe siècle se sont enrichies en 2016 de deux pièces insignes. Toutes deux issues de la collection du comte de Vergennes, elles sont demeurées chez les descendants de l’homme d’État jusqu’à leur acquisition par le château de Versailles.
Ministre du Roi auprès de l’Électeur de Trêves en 1750, ambassadeur en Turquie de 1755 à 1768, en Suède en 1771, Charles Gravier de Vergennes (1719-1787) se vit confier le portefeuille des Affaires étrangères dès l’avènement du jeune Louis XVI, en 1774. C’est ainsi le ministre Vergennes qui, en septembre 1779, demandait à Antoine-François Callet une copie d’un portrait officiel du Roi, livré par le peintre en 1778. Comme en atteste une lettre de Vergennes au comte d’Angiviller, directeur des Bâtiments du Roi, cette nouvelle toile devait servir de modèle à plusieurs copies qui seraient envoyées dans des Cours étrangères. Plein de gratitude envers le ministre, l’artiste, de sa propre initiative, exécuta une nouvelle réplique de ce tableau qu’il offrit à son bienfaiteur. Il s’agit de l’œuvre récemment acquise par le château de Versailles et transmise par descendance directe jusqu’à nos jours.
Documenté dans les archives du ministère des Affaires étrangères, le tableau est entièrement de la main de Callet, ce qui le distingue de nombreuses autres versions réalisées avec la contribution de l’atelier. Adoptant la même mise en page que le Louis XIV (1701) de Hyacinthe Rigaud ou le Louis XV (1760) de Louis-Michel Van Loo, le peintre représente le Roi en pied, vêtu du manteau royal, couvre-chef en main gauche et main droite appuyée sur le sceptre ; sur un coussin fleurdelisé reposent couronne et main de justice. De belle facture, le visage est bien dans la manière du maître, qui sait exprimer avec finesse la personnalité du souverain, sa bonté et sa bienveillance.
En 1780, le ministère des Affaires étrangères passa quant à lui commande au même artiste d’un portrait du comte de Vergennes assis à sa table de travail. Présenté au Salon de 1781 sous le nº150, il entra aussitôt dans la collection du ministre. Exceptionnelle par sa facture, cette œuvre l’est donc également par sa provenance prestigieuse. Le ministère des Affaires étrangères commanda par ailleurs des répliques ovales représentant le modèle en buste ; livrées entre 1783 et 1784, elles étaient destinées à des ambassades, à l’exception d’un exemplaire, qui devait décorer l’hôtel du ministère des Affaires étrangères à Versailles ; il s’agit de celui entré au Château sous Louis-Philippe.
Éminente personnalité du règne de Louis XVI, le comte de Vergennes fut distingué à plusieurs reprises ; on le nomma secrétaire-commandeur puis grand aumônier des ordres du Roi, respectivement en 1774 et 1781. Le ministre joua un rôle de premier plan dans le conflit qui opposait George III à ses colonies d’Amérique, négociant avec Benjamin Franklin le premier «Traité franco-américain d’amitié et de commerce », signé le 6 février 1778. Cet accord marqua l’entrée en guerre de la France contre l’Angleterre.
On conserve encore le souvenir de ce serviteur de l’État dans l’appartement qu’il occupa jadis dans l’aile des Ministres nord du château de Versailles.
- Les oeuvres d’Antoine-François Callet sur le site des Collections du château de Versailles