Dans une campagne perdue et hostile, Louis XIV a réalisé un tour de force : faire construire, en cinquante ans, le plus grand et le plus somptueux des châteaux d’Europe. Le magazine Geo Histoire vous invite à découvrir, en cinq étapes et en 3D, comment ce miracle architectural a pu être possible.
1623-1662 L’ancien relais de chasse de Louis XIII va se métamorphoser en une agréable résidence
Un bourg médiéval, à deux heures de cheval de Paris. Un village isolé au milieu de marais fétides et infestés de moustiques. Versailles au début du XVIIe siècle est, prétend Saint-Simon dans ses Mémoires, « le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux ».
C’est pourtant dans cet endroit sinistre qu’en 1623, Louis XIII, alors âgé de 20 ans, décide d’établir un pavillon de chasse. Le logis est sommaire : quatre pièces, une galerie, quelques dépendances. Entre 1631 et 1634, le monarque fait agrandir cette résidence par l’architecte Philibert Le Roy. Un château de briques et de pierres, couvert d’ardoises, voit alors le jour. Ce premier pavillon est réservé au Roi et à ses compagnons lorsqu’ils viennent forcer le renard ou le cerf. Les dames ne sont pas admises à Versailles. Louis XIV hérite de la résidence et des terres alentours à la mort de son père, en 1643. Il engage les premiers travaux qui dureront jusqu’à la fin de son règne.
1663-1666 Dès le début du chantier, les bâtiments et les jardins sont dédiés aux menus plaisirs du roi
Tandis que le jardinier du roi, André Le Nôtre, ébauche le futur parc du domaine, traçant les allées et installant les premiers bosquets, parterres ou fontaines, les travaux d’agrandissement du château débutent. En 1663, deux nouveaux bâtiments sont élevés de part et d’autre de l’avant-cour, destinés à accueillir les communs. L’aile Sud est affectée aux écuries tandis que l’aile Nord abrite les cuisines. On bâtit aussi deux pavillons bas : une remise pour les carrosses au nord, et un bûcher au sud. Enfin, on dresse un mur pour clôturer l’avant-cour.
Le roi, désireux de faire de Versailles un lieu d’émerveillement, charge Louis Le Vau de la construction de la Ménagerie. En 1666, l’architecte bâtit aussi un édifice étonnant : un pavillon à arcades, surmonté d’un réservoir d’eau, dissimulant une grotte dédiée – l’idée en revient à Charles Perrault, l’auteur des Contes – à Thétys, une nymphe qui, dans la mythologie grecque, accueillait chaque soir Apollon.
1668-1678 En habillant le château de pierre blanche et de colonnes, Le Vau lui donne sa magnificence
À partir de 1668, les travaux s’accélèrent. Les bâtiments des cuisines et des écuries sont raccordés au château. Des pavillons, dans le même style, sont construits sur l’emplacement des anciens fossés. Côté jardin, Louis Le Vau érige une enveloppe de pierre autour du château de Louis XIII, à l’appui des pavillons d’angle. Lorsqu’il fait retirer les échafaudages, le palais est métamorphosé. Les nouvelles façades habillées de pierre blanche comportent trois niveaux : le soubassement, rythmé de grandes niches ; le premier étage, percé de hautes fenêtres séparées par des colonnes et des pilastres ; et enfin, l’attique (la partie supérieure), orné d’autres pilastres plus courts et surmonté d’une balustrade. Le tout est coiffé de toits plats à l’italienne. Au premier étage, Le Vau installe le Grand Appartement du Roi et un autre en symétrie pour la Reine. Les deux ailes sont séparées par une terrasse centrale qui fait face au jardin.
1678-1682 Versailles déploie ses ailes et devient le haut lieu du classicisme à la française
En 1678, Jules Hardouin-Mansart, successeur de Le Vau, recouvre la terrasse qui relie les Appartements royaux pour la transformer en une somptueuse salle d’apparat : la galerie des Glaces. Quatre ans plus tard, en 1682, Louis XIV fixe la résidence permanente de la Cour à Versailles. La nécessité de loger plusieurs milliers de personnes entraîne de nouveaux agrandissements. Mansart va alors quintupler la surface du Château. Il prolonge en un temps record (entre 1679 et 1681) le château au sud, avec l’aile du Midi, longue de 150 mètres, réservée à la famille royale. Au nord, la construction, en 1685, d’une aile réservée aux princes de sang entraîne la destruction de la grotte de Téthys. Sur la place d’Armes, de part et d’autre de l’avenue de Paris, l’architecte édifie des écuries capables d’abriter des centaines de chevaux et de carrosses. Chacune a sa spécialité : La Grande Écurie accueille les chevaux de selle destinés au manège ou à la chasse. La Petite écurie, les bêtes d’attelage et les carrosses.
1689-1710 À la fin des travaux, le Roi-Soleil bâtit une chapelle comme pour inviter Dieu dans son Château
L’aile du Nord terminée, en 1689, le Roi-Soleil ordonne aussitôt l’élévation de la Chapelle royale. A Versailles, quatre églises provisoires se sont succédées avant que le roi puisse entreprendre la construction d’un lieu de culte digne du château. Le chantier est cependant vite ralenti par le manque de bras. En effet, en 1687, une épidémie de paludisme a décimé les ouvriers. La guerre contre la Ligue d’Augsbourg (une coalition européenne opposée à la politique expansionniste de Louis XIV) perturbe également la bonne marche des travaux de 1688 à 1697. La chapelle ne sera terminée et consacrée à Saint Louis, saint patron de la monarchie française, qu’en 1710. Ce dernier grand chantier mené sous le règne de Louis XIV mobilisa 110 sculpteurs. Œuvre de Hardouin-Mansart, la Chapelle nous est parvenue intacte et sans modifications depuis l’époque du souverain, avec son sol en marbre polychrome et sa voûte peinte.
Retrouver les espaces disparus
Au fil du temps, certains des chefs-d’œuvre de Versailles ont disparu. Et non des moindres. C’est le cas, par exemple, de la grotte de Thétys, de l’Escalier des Ambassadeurs décoré de marbres polychromes, de l’étonnante Ménagerie royale, ou encore du Trianon de Porcelaine, tout de bois et de céramique, où le roi allait prendre sa collation…
Perdu à jamais ? Pas si sûr… Le château de Versailles s’est en effet lancé dans un nouveau défi : le projet de recherche Verspera «Versailles en perspectives» pour reconstituer en images virtuelles interactives les différentes étapes de la construction du château.
À l’origine de ce projet, initié en 2012, un trésor : les milliers de plans conservés aux Archives nationales, à la Bibliothèque nationale de France et au château de Versailles. Ces précieuses et fragiles archives portent la signature des maîtres de l’architecture française aux XVIIe et XVIIIe siècles, de Louis Le Vau jusqu’à Ange-Jacques Gabriel, l’architecte de Louis XV, ou Richard Mique, celui de Marie-Antoinette, en passant par Jules Hardouin-Mansart.
Numériser ces documents n’est pas une tâche facile, leurs tailles variant de quelques centimètres à plus de 3 mètres. Mais cette opération préservera un fonds précieux et fragile pour le mettre à la disposition des chercheurs (historiens, historiens de l’architecture, de l’art…). Et surtout de réaliser une reproduction en 3D de la résidence royale en s’appuyant sur les technologies récentes de modélisation. Les images ainsi créées permettront de « tourner autour » ou « d’entrer » à l’intérieur. Une entreprise titanesque, mais grâce à laquelle nous pourrons sans doute, d’ici 2020, admirer virtuellement toutes les merveilles de Versailles.
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