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Vauban et Versailles, 310 ans d’histoire commune

À deux pas du château de Versailles, œuvrent les ingénieurs militaires de l’infrastructure (IMI), héritiers du fameux maréchal de Vauban dont ils célèbrent aujourd’hui le 310e anniversaire de la mort.

IMI se recueillant devant le mausolée de Vauban aux Invalides ©P. Palmesani

Le 30 mars 2017 sonne le 310e anniversaire de la mort de Sébastien Le Prestre de Vauban, plus connu comme maréchal de Vauban. Cet ingénieur militaire s’est illustré sous le règne de Louis XIV en consacrant sa vie à ses travaux de fortification, reconnaissables entre tous et encore visibles de nos jours.

Sébastien Le Prestre, maréchal de Vauban (1633-1707) © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot

Aujourd’hui, près de 310 ans après ses funérailles, de jeunes gens se réunissent sous le dôme des Invalides où repose le cœur de Vauban. En cours de formation à l’École nationale supérieur des ingénieurs de l’infrastructure militaire, ils déposent une gerbe et se recueillent devant le mausolée de celui qu’ils considèrent comme leur père fondateur. Ils rejoindront, en effet, bientôt les effectifs du Service d’Infrastructure de la Défense (SID) qui a la responsabilité de construire et gérer l’ensemble du patrimoine immobilier militaire, à travers la France et ses implantations de par le monde. Et ce, depuis l’ancien Hôtel de la Guerre, situé juste en contrebas du château de Versailles où Vauban rendait déjà compte de ses missions pour protéger le royaume.

De l’ombre à la lumière, l’ascension d’un jeune cadet

Né en 1633 dans le Morvan, Vauban effectue ses débuts comme cadet dans le régiment d’infanterie de Condé. Ce choix, guidé par une tradition familiale, aurait pu être fatal à la carrière du jeune élève-officier, entraîné du mauvais côté dans les guerres de la Fronde. Celui-ci est néanmoins rallié aux troupes royales, et effectue, avec talent et rapidité, son apprentissage comme ingénieur, chargé de conduire les travaux de fortifications et les sièges des places fortes.

Tandis que les grands seigneurs se font une gloire de charger furieusement, à l’assaut des remparts ennemis, Vauban préfère ménager le sang des soldats. Il met au point des pratiques inspirées par un principe qui lui est cher : « la sueur épargne le sang. » Il recourt ainsi aux tranchées de siège et à l’approche méthodique des villes ennemies. Moins spectaculaires, ces méthodes s’avèrent implacables : « Ville assiégée par Vauban, ville prise » dira-t-on bientôt.

Le preneur de villes se fait remarquer par le Roi-Soleil: grâce à lui, Tournai, Douai, Lille tombent comme des fruits mûrs dans l’escarcelle royale et la rectification des frontières du royaume est grandement facilitée. Dès 1668, alors qu’il n’a que 35 ans, Vauban devient le premier subordonné de Louvois pour les fortifications des frontières terrestres.

Louis XIV au siège de Lille, août 1667 © Château de Versailles, Dist. RMN / © Jean-Marc Manaï

Le « vagabond du Roi »

Œuvrant pour un monarque animé par la suprématie du royaume, Vauban s’efforce de lui constituer son « pré carré ». Que la guerre éclate, et Vauban est envoyé pour assiéger les villes ennemies. Que la paix revienne, et le voilà dépêché sur les frontières susceptibles d’être battues en brèche. Vauban est, sans conteste, un des hommes de son temps qui a parcouru le plus grand nombre de lieues, dans et en dehors du royaume de France. Nommé gouverneur de Lille, il y réside la plupart du temps. Mais sa famille vit dans le Morvan, au château de Bazoches qu’il a acquis en 1673. Tout au long de sa carrière nomade, il n’y séjournera que de temps à autre pour un repos toujours bref.

Son champ d’action se démultiplie en 1678 lorsqu’il devient « commissaire général des fortifications ». Les frontières maritimes lui deviennent alors familières. Il ne naviguera que très rarement le long des côtes, car Colbert le lui interdit formellement, de crainte de le voir enlevé par quelque navire anglais ou hollandais.

Que ce soit à cheval, à pied ou en calèche, Vauban analyse le terrain, en étudie les points forts et les points faibles, rédige mémoire sur mémoire pour améliorer encore et encore la ceinture de fer qui protège le royaume. Depuis Dunkerque, où il patauge dans la vase pour améliorer le chenal, il écrit ainsi : « je suis si las et si mouillé que je n’ai plus la force d’écrire ».

Plan du New Brisach Construit par Mr. le Cte. de Chastellux suivant le Troisième Sisteme de Mr. le Mal. de Vauban / Source BnF

Un esprit curieux

Les incessantes tournées effectuées dans le royaume permettent à l’ingénieur d’en acquérir une connaissance approfondie. Soucieux du bien public, assuré de l’écoute des ministres, et parfois du Roi, il prend l’initiative de les éclairer sur la situation économique du pays. Après la révocation de l’édit de Nantes il n’hésite pas à recommander le rappel des Huguenots, conscient des conséquences désastreuses de cette mesure sur les plans économique et militaire. Pour éclairer Versailles sur la véritable puissance démographique du royaume, il se lance dans une entreprise statistique de dénombrement de la population.

Soldat, architecte, ingénieur, Vauban se fait économiste, statisticien, s’intéresse à la guerre de course et au développement des colonies d’Amérique. Il prend même goût pour la fiscalité, en prônant à la fin de sa vie l’établissement d’un impôt universel, remettant en cause les exemptions de la noblesse et du clergé !

Sur les traces de Vauban

Aujourd’hui, Vauban est toujours présent au sein du château de Versailles sous les traits d’une statue de Bridan, exécutée en 1785. Mais son esprit souffle à deux pas, rue de l’Indépendance Américaine. La Direction centrale du service d’infrastructure de la défense est, en effet, installée dans l’ancien Hôtel de la Guerre, érigé par l’ingénieur du Roi Jean-Baptiste Berthier entre 1759 et 1761. C’est donc à une portée de mousquet des anciens cabinets ministériels du château de Versailles que se poursuit la mission de supervision des travaux d’intérêt militaire du pays.

Les ingénieurs militaires et l’ensemble des personnels du service d’infrastructure de la défense (SID) perpétuent l’œuvre du maréchal. Ils conçoivent, bâtissent, entretiennent une palette d’ouvrages que Vauban n’aurait pas reniés – casernements, formes de radoub, dépôts de munitions – ou qu’il ne pouvait encore imaginer – aérodromes, réseaux d’énergie électrique, infrastructures souterraines protégées, stations de transmissions. Tout comme du temps de Louis XIV, le SID est une structure cohérente au service de l’ensemble des forces armées.

Depuis 2010, les ingénieurs militaires de l’infrastructure (IMI) poursuivent les missions précédemment confiées aux officiers du Génie, des Travaux maritimes et de l’Infrastructure de l’air. Ils puisent leur histoire et leurs traditions dans celles des ingénieurs du Roi et de leur père fondateur, Vauban. Ce sont ainsi près de 600 femmes et hommes engagés qui forment la relève, avec des moyens modernes, mais la rigueur professionnelle que le fameux maréchal exigeait déjà de ses ingénieurs, plus de 300 ans auparavant.

Bernard Cros,
Ingénieur en chef des travaux maritimes



À LIRE

« Le Roi, son aqueduc et son ingénieur », dans le magazine Château de Versailles, n°19, octobre-décembre 2015. La revue est disponible en kiosque et sur la boutique en ligne du Château.

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