Le 21 juin 1667, Louis XIV ordonne la création de l’Observatoire de Paris et de l’Académie royale des sciences pour accueillir académiciens et savants. Cinquante ans plus tard, le tsar Pierre le Grand visite l’établissement à plusieurs reprises lors de son voyage à Paris. Au tournant du siècle des Lumières, la science ou plutôt les sciences sont ainsi devenues plus que jamais un enjeu clé au service du rayonnement de la France.
Lors de sa venue en France, Pierre le Grand s’est distingué par une curiosité insatiable. Passionné d’architecture, il fit le tour des résidences royales. Féru de technique, il acheta quantité de matériel scientifique, et visita la Manufacture des Gobelins pour fonder, à son retour, la sienne. Il se rendit également à l’Observatoire de Paris à deux reprises, les 12 et 17 mai 1717. On « lui fit voir tout ce qui sert à opérer les observations Astronomiques : le Czar donna dans cette occasion des preuves de ses lumières & de ses connaissances acquises dans cette Science.1» Quelques jours après, il se vit présenter par le comte de Toulouse une grande carte marine : « Il retourna encore à l’Observatoire, où il fut près de deux heures à faire des Observations.2»
l’Observatoire de Paris illustrent la très forte inclination de l’époque pour les sciences. Dès la première moitié du XVIIe siècle, Paris attire les étrangers venus se joindre aux érudits de la capitale pour partager les nouvelles idées de la philosophie naturelle. On y discute les thèses de Pascal, de Gassendi, de Descartes, de Mersenne. Henri-Louis de Montmor réunit à son hôtel du 79 rue du Temple savants et philosophes. En décembre 1658, un scandale fameux oppose la « compagnie » à Gilles Personne de Roberval, le futur inventeur de la balance qui porte son nom. Ce dernier s’oppose à Montmor avec incivilité et mépris, au sujet des thèses de Descartes, dans sa propre maison et devant ses invités.
Colbert considère que les activités artistiques et scientifiques doivent contribuer au rayonnement de la monarchie française. En 1666, à l’issue d’âpres discussions, Louis XIV fonde l’Observatoire de Paris et l’Académie royale des sciences, constituée de quatorze savants, dont Roberval. Ces savants, autour du hollandais Christiaan Huygens, spécialiste d’instruments d’optique et inventeur de l’horloge moderne, et du médecin anatomiste Claude Perrault, « versé dans toutes les sciences naturelles », attirent bientôt à eux les meilleurs d’Europe, dont l’italien Cassini et le danois Romer.
L’Académie tient sa première séance le 22 décembre 1666 dans la bibliothèque du Roi, attenante à l’Hôtel de Colbert, rue Vivienne. Les débats portent sur des notions aussi diverses que la coagulation, la pesanteur, la poudre à canon, la dureté, le polissage des lentilles ou la transfusion… Les deux institutions sont liées, l’Observatoire étant alors destiné à servir de centre de travail pour les académiciens (salles des séances, laboratoires) aussi bien qu’à abriter les instruments pour les observations de toutes sortes.
Au XVIIIe siècle, la plupart des cours d’Europe imiteront le modèle des académies royales à Paris, la Royal Society de Londres comme celles de Rome ou Florence. Pierre le Grand constituera en 1725 l’Académie des sciences de Russie, et invitera un géographe français, Joseph-Nicolas Delisle, à se joindre à ses membres.
Dr. Thomas Widemann, Observatoire de Paris
(1) Père Furcy, «La venue en France du Czar ou Grand Duc de Moscovie » in Bulletin de la Société de Paris et de l’Ile-de-France, Paris, Champion, 1891. In: Christophe Henry – «Le séjour de Pierre le Grand à Paris. Contribution à l’histoire de la formation du cabinet de SaintPétersbourg. » Publication en ligne du G.H.A.M.U.
(2) Pierre-François Buchet (1679-1721), Abrégé de l’histoire du czar Peter Alexiewitz, avec une relation de l’état présent de la Moscovie et de ce qui s’est passé de plus considérable depuis son arrivée en France jusqu’à ce jour, Paris, P. Ribou et G. Dupuis, 1717.
L’Observatoire, instrument céleste
L’astronome Adrien Auzout suggère à Louis XIV, en 1665, la création d’un grand observatoire : « Il y va Sire, de la Gloire de Vostre Majesté, & de la réputation de la France […] & je la puis assurer que toutes les Nations voisines sont depuis quelque temps dans une attente incroyable d’un si bel établissement. »
Le bâtiment, qui se caractérise par son aspect austère et ramassé, s’impose comme un monument totalement dédié à sa fonction. « Construit de telle sorte qu’il peut suppléer tout seul à tous les principaux instruments d’astronomie dont on se sert pour les observations » : c’est ainsi qu’il est évoqué par son concepteur, le médecin mais aussi architecte Claude Perrault, qui est en train, par ailleurs, d’élaborer la Colonnade du Louvre.
Malgré ses protestations, Claude Perrault sera néanmoins contraint de remanier son projet initial. Dès son arrivée en 1669, le célèbre astronome Jean-Dominique Cassini parvient à convaincre le Roi d’y apporter d’importantes modifications dont la création d’une grande salle d’observation. La construction de l’Observatoire et l’achat de ses instruments ainsi que les pensions versées aux astronomes et leurs expéditions ont représenté une très grande part du soutien financier du Roi à l’activité savante de son temps.
Les 350 ans de l’observatoire de Paris : colloque international
En partenariat avec le Centre de recherche du château de Versailles (CRCV), ce colloque réunira une vingtaine de spécialistes internationaux. L’objectif est l’étude de la fondation en France de l’Observatoire royal dans l’Europe savante du XVIIe siècle et la création des académies à Paris dont le modèle va se disséminer dans toute l’Europe. Une large place sera également consacrée à l’architecture de Perrault, ainsi qu’à toutes les disciplines de l’astrophysique contemporaine conduites, 350 ans plus tard, à l’Observatoire de Paris.
Les 21 (Observatoire de Paris) et 22 juin (Château de Versailles).
Site anniversaire
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