Une histoire de goût et d’usages, de circonstances politiques et financières, d’ententes ou d’inimitiés : une exposition de dessins et de plans retrace les projets non réalisés pour le château de Versailles.
Versailles ne s’est pas fait en un jour, ni selon un plan établi. C’est au contraire par tâtonnements, revirements, hésitations, par constructions, agrandissements, réaménagements successifs qu’il a pris sa forme actuelle. Un état qui nous semble abouti… mais qui aurait pu être bien différent ! Cette première exposition à Versailles consacrée au dessin et à l’architecture n’a pas pour objectif de refaire l’histoire de la construction du Château, déjà bien connue. À travers cent vingt œuvres environ – plans, élévations, coupes, dessins parfois inédits, rarement exposés en raison de leur format ou de leur fragilité – provenant des collections du château de Versailles (Cabinet des arts graphiques et archives de l’établissement public), d’autres institutions en France (Bibliothèque municipale de Besançon, Bibliothèque Nationale de France, Bibliothèque de l’Institut, Archives nationales, musée du Louvre…) ou à l’étranger (National Museum de Stockholm), il s’agit d’évoquer les projets non réalisés. L’exposition permet au grand public de voir Versailles tel qu’on ne l’a jamais vu, mais tel qu’il aurait pu être, renouvelant sa perception du Château et mettant en valeur ce qui fait aujourd’hui encore sa singularité. Quant aux amateurs, elle leur offre l’occasion de découvrir des aspects étonnants et méconnus de l’architecture du monument.
Une façade « digne du palais du Roi »
Les œuvres présentées concernent principalement la façade côté ville qui a fait l’objet de centaines de propositions. Sont également évoquées différentes réflexions pour l’Enveloppe côté jardin ainsi que pour l’aménagement d’une chapelle et d’une salle de spectacle – lieux incontournables de la vie de Cour. Des projets d’architecture de jardins sont aussi exposés : parfois grandioses, souvent irréalistes, ceux-ci auraient donné une dimension architecturale forte au parc. De l’installation de Louis XIV à Versailles à la transformation définitive du palais en musée par Louis-Philippe en 1837, la demeure royale fut, selon l’expression consacrée, un chantier permanent. D’innombrables projets – plus ou moins ambitieux ou novateurs – tentèrent d’adapter le château aux nouveaux usages, d’y simplifier la vie quotidienne, de l’habiller selon les modes esthétiques des époques successives, d’accentuer sa monumentalité et sa majesté ou de lui donner plus de cohérence architecturale. Il s’agit surtout de concevoir, côté cour, une façade digne du palais du Roi qui se veut le plus puissant d’Europe, en cohérence avec celle côté jardin. Pour ce faire, certains architectes n’hésiteront pas à proposer de supprimer la cour de Marbre et les appartements qui l’entourent pour ne conserver du corps central que les Grands Appartements et la galerie des Glaces.
« Nombre de ces projets auraient donné à la façade polychrome de Louis XIV, si caractéristique mais longtemps critiquée, une apparence majestueuse, monochrome… et quelque peu ennuyeuse. »
Propositions et appels à idées
Les architectes du Roi, Jules Hardouin-Mansart ou Ange-Jacques Gabriel, élaborèrent des propositions globales, mais aucune ne fut acceptée ; du Grand Projet de Gabriel, seules la construction de l’Opéra, achevé en 1770 pour le mariage du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette, et la reconstruction de l’aile du Gouvernement, qui menaçait ruine, furent menées à terme. Comme Colbert, surintendant des Bâtiments du Roi, en 1669, le comte d’Angiviller, directeur général des Bâtiments, lança en 1780 de véritables appels à idées auprès de plusieurs architectes : Louis XVI étudia les projets, parfois grandioses, de Pierre-Adrien Pâris, de Jean-François Heurtier et d’Étienne-Louis Boullée, mais la Révolution interrompit brusquement ces rêves de reconstruction. Nombre de ces projets auraient donné à la façade polychrome de Louis XIV, si caractéristique mais longtemps critiquée, une apparence majestueuse, monochrome… et quelque peu ennuyeuse. Le goût des monarques, la nécessité de déplacer la Cour, le temps des travaux, dans un autre château, les circonstances politiques et militaires, la situation des finances du royaume ne permirent à aucun de voir le jour.
Des réticences qui datent de Louis XIV
La façade brique et pierre fut conservée, comme l’avait finalement souhaité Louis XIV après de multiples revirements : « le Roi voulut toujours conserver le petit château. On eut beau lui dire qu’il menaçoit ruine et qu’il boucloit en plusieurs endroits ; il se douta du dessein, et dit d’un ton fort et qui paroissoit ému de colère : “Faites ce qu’il vous plaira, mais, si vous l’abattez, je le ferai rebâtir tel qu’il est et sans y rien changer.” Ces paroles rafermirent tout le château et rendirent ses fondemens inébranlables ». (Charles Perrault, Mémoires de ma vie) Lorsque Napoléon envisagea de s’installer à Versailles, Pierre Fontaine tenta une ultime synthèse des propositions antérieures. Dans son journal, il résume de manière lapidaire l’échec de ces multiples tentatives : « examen des projets faits jusqu’ici, grands pourparlers, discussions, incertitudes, choses inutiles et pour tout résultat, rien » !
Élisabeth Maisonnier,
conservatrice au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
L’exposition a bénéficié de la mise en ligne des plans de Versailles dans le cadre du projet Verspera porté par le Centre de recherche du château de Versailles et les Archives nationales.
À VOIR
Exposition
Versailles. Architectures rêvées. 1660-1815
jusqu’au 3 août 2019
Château de Versailles, galerie de Pierre haute Nord
Scénographie : Going Design
Horaires : Tous les jours, sauf le lundi, 9 h-18 h 30 (dernière admission à 18 h).
Billets : Accessible avec un billet Passeport ou Passeport 2 jours, le billet Château ainsi que pour les bénéficiaires de la gratuité.
Gratuit et illimité avec la carte « 1 an à Versailles ».
Visites guidées de l’exposition :
À 10 h 30 : 6, 13, 19, 26 et 29 juin ; 20 juillet ;
À 14 h 15 : 4 juillet
À LIRE
Le catalogue de l’exposition :
éd. Gallimard, 288 p., 25×25 cm, 49 €.
Disponible sur boutique-chateauversailles.fr
Un livret-jeu gratuit pour les 8-12 ans est disponible à l’entrée de l’exposition et en téléchargement sur chateauversailles.fr
En partenariat avec Bayard.