L’exposition « Versailles Revival », actuellement au château de Versailles, a fourni l’occasion de restituer la chambre de Marie-Antoinette, au Petit Trianon, telle qu’elle avait été pensée sous le Second Empire. Étapes détaillées d’une restauration.
Au sein de l’exposition « Versailles Revival », le visiteur peut découvrir la chambre de la reine Marie-Antoinette au Petit Trianon telle qu’elle fut pensée en 1867. L’impératrice Eugénie vouait une grande admiration à la Reine. À l’occasion de l’Exposition universelle1, elle tint à magnifier dans la mémoire collective le souvenir de deux souveraines, la reine Marie-Antoinette, au Petit Trianon, et l’impératrice Joséphine, au château de Malmaison. On exposa pendant plusieurs semaines des œuvres d’art venant des collections du couple impérial, du Garde-Meuble de la Couronne, de collections particulières prestigieuses comme celle du marquis de Hertford. Toutes étaient là pour tenter de faire revivre le goût de Marie-Antoinette ou de l’idée que l’on s’en faisait alors.
Le catalogue de l’exposition publié par Adolphe de Lescure2 indique, pour chaque salle, les œuvres présentées. L’inventaire tenu à Trianon recense, pour sa part, les entrées faites en ce lieu au 31 décembre 1867, après la fin de l’exposition. Ces deux listes permettent de retracer assez fidèlement les composantes de cet ameublement.
Un lampas des Indes jaune et blanc
Pour évoquer cette chambre, il fallait un lit. On le trouva dans le fonds du Garde-Meuble. Plusieurs photographies du troisième quart du XIXe siècle l’illustrent. Les bois du lit avaient dû probablement être achetés peu de temps auparavant.
On l’agrémenta d’un baldaquin3, sans doute sculpté à l’époque même de l’exposition, car ses feuillures ne comportent qu’une génération de trous de semences, preuve qu’il n’avait jamais été garni précédemment.
En 1867, le lit fut garni d’une étoffe décrite comme un lampas des Indes broché blanc : en fait, un lampas des Indes jaune et blanc. Le rangement récent de collections textiles a permis de retrouver aussi les couvertures des quatre sièges mentionnés dans la feuille d’entrée de 1867, soit deux bergères et deux chaises : après diagnostic, il a été décidé, plutôt que de les retisser, de restaurer ces pièces textiles et de les repositionner, après plusieurs décennies de dépose et de stockage.
Pentes extérieures et intérieures
Il fallait d’abord comprendre, grâce à la description de 1867, l’usage des différentes découpes de textiles afin de les localiser dans le décor du lit : « une draperie extérieure composée de 2 écharpes formant cantonnières en lampas idem doublées en taffetas blanc avec frange, 2 écharpes doubles en tout semblables, 3 festons semblables aux écharpes précédentes ; une draperie intérieure composée de 2 écharpes formant cantonnières en taffetas blanc doublées en taffetas blanc avec frange, 2 écharpes semblables, 3 festons ».
Pour les pentes extérieures, le travail de restauration et de consolidation a été mené. Les sept pièces ont été doublées d’une nouvelle soierie structurante. Ainsi soutenues, elles ont pu être réaccrochées. Enfin, les quelques éléments de passementerie, nœud en cartisane et glands qui avaient été conservés – selon l’inventaire, « 5 nœuds avec glands style Louis XVI en soie jaune et blanche ; 6 nœuds en passementerie idem sans glands » – ont été dépoussiérés et réaccrochés. La pose des embrasses, décrites dans l’inventaire « encâblées de soie jaune et blanche », risquait, en revanche, de trop contraindre des rideaux de lit fragilisés.
L’état du taffetas des pentes intérieures, – une soie ternie, sale, déchirée et cassante – ne permettait ni de la consolider ni, bien sûr, de la repositionner in situ. Aussi a-t-on déposé toutes les passementeries qui ont été micro-aspirées avec un soin si méticuleux que les couleurs originelles ont fait en grande partie leur réapparition. Dans un deuxième temps, ces passementeries, restaurées, ont été recousues à la main sur les développés de nouveaux décors drapés en taffetas ; un taffetas confectionné à l’identique et choisi pour son armure et sa couleur claire, en tenant compte d’un certain vieillissement des étoffes. La solution d’un blanc, mentionné dans l’inventaire, aurait renforcé l’effet de contraste avec le textile original vieilli : aussi un ton ivoire a-t-il été privilégié. Toutes ces étapes, délicates, ont mobilisé l’atelier de tapisserie pendant plusieurs semaines.
Quant aux montants du lit, ils présentaient salissures et zones lacunaires. L’éclat du jaune initial a pu être retrouvé et les étoffes ont été consolidées. Les traverses avaient été recouvertes, elles aussi, du même lampas, posé sur des garnitures cylindriques composées d’un bourrelet en crin soumis au frottement et à l’exposition à la lumière. Pour consolider les déchirures, combler les lacunes et protéger des parties particulièrement exposées, des pièces de soie ont été placées sous les altérations et les bords ont été stabilisés par des points de restauration à l’organsin de soie deux bouts. Une crépeline de soie teintée à la couleur a été posée sur les deux traverses et la tête de lit.
Les quatre sièges retrouvent leur luminosité « jaune bouton d’or »
Les deux bergères et les deux chaises mentionnées en 1867 étaient couvertes alors de ce même lampas des Indes : « deux bergères forme gondole en bois peint sculpté, style Louis XVI, pieds tournés à cannelures, ceinture à moulures et rubans, accotoirs à consoles et manchettes, dossier arrondi, carreau en plume, couvertes en lampas fond jaune broché blanc » et « deux chaises bois et étoffe idem dossier à médaillon ».
Ce lampas, usé par des années d’exposition, avait été remplacé au tournant du XXe siècle par un autre, au dessin proche mais de qualité moindre, qui présentait une décoloration virant à l’orangé. Or, le Château avait conservé la plupart des pièces composant la couverture de ces sièges et l’on a pu constater que le lampas de 1867 pouvait retrouver, après traitement, sa luminosité jaune bouton d’or, à la manière des jaunes affectionnés par l’impératrice Eugénie.
Tous les textiles ont donc été micro-aspirés. Ils ont pu bénéficier d’un nettoyage aqueux après vérification de leur stabilité chromatique par des tests. Cette opération a permis aussi d’obtenir une bonne mise à plat de chaque élément. Les altérations mécaniques, lacunes et déchirures, ont été consolidées de la même manière que pour le lit. Puis ces éléments textiles ont été doublés d’un taffetas de soie dont la couleur a été choisie en harmonie avec le lampas et dont les dimensions lui étaient supérieures afin de pouvoir reporter les tensions sur ces étoffes de soutien au moment de la repose des couvertures.
Des garnitures neuves, confectionnées par l’atelier de tapisserie, ont été posées soit sur les châssis amovibles, réalisées par l’atelier d’ébénisterie, soit sur les parties garnies en plein. Le travail le plus délicat était de bien les calibrer aux dimensions du lampas originel tout en assurant une garniture esthétique. Les parties manquantes ont été remplacées par un satin de couleur bouton d’or qui s’harmonise avec le lampas, témoignant ainsi de l’état de conservation dans lequel l’ensemble nous est parvenu. Enfin, tous les dos ont été repris avec une satinette de couleur jaune bouton d’or.
Ce choix, plutôt que celui d’un retissage, a permis de faire revivre les textiles originels avec authenticité, mais aussi avec prudence en introduisant, notamment, des taffetas de support pour atténuer les effets de tension sur le lampas originel. Le défi que représentait la remise en place de ces textiles originels a été relevé avec succès par les ateliers d’ébénisterie et de tapisserie du Château en étroite coordination avec une restauratrice textile.
Élisabeth Caude,
conservateur général du Patrimoine au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,
avec la participation de Laurent Jannin, Jérôme Lebouc, Isabelle Rousseau, et Amandine Vidal pour la restauration et la présentation des textiles et Philippine Hamy et Christine Masset pour la collecte de la couverture photographique.
1. Caude (Élisabeth), « La chambre de Marie-Antoinette au Petit Trianon, l’esprit de 1867 et des années Revival », Versailles Revival, Paris, In Fine Éditions d’art – château de Versailles, 2019, pp. 44-53.
2. Lescure (Adolphe de), Les Palais de Trianon. Histoire, description, catalogue des objets exposés sous les auspices de S. M. l’Impératrice, par M. de Lescure, Henri Plon, Paris, 1867.
3. « 1 baldaquin bois sculpté peint en blanc motif milieu guirlande de fleurs style Louis XVI avec voussure garnie toile et crin, couverte en lampas idem ornée de ganse biais et cartisane en soie »
À VOIR
Exposition Versailles Revival, 1867-1937
jusqu’au 15 mars 2020
Château de Versailles
#VersaillesRevival
Commissariat :
Laurent Salomé, Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
et Claire Bonnotte, collaboratrice scientifique au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Scénographie : Hubert Le Gall, assisté de Laurie Cousseau
AUTOUR DE L’EXPOSITION
Audioguide de l’exposition, disponible en français, anglais, espagnol. Inclus dans le billet.
Téléchargeable gratuitement sur l’application Château de Versailles.
Visites guidées de l’exposition, sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne
Visites familles, sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne
À LIRE
Le catalogue de l’exposition
Coédition château de Versailles – In Fine ; 448 p., 24 x 30 cm ; prix : 49 € ; disponible sur boutique-chateauversailles.fr et dans les boutiques du Château.
Un livret-jeu gratuit pour les 8-12 ans est disponible à l’entrée de l’exposition et en téléchargement
En partenariat avec Paris Mômes