Datant pour les plus anciennes du XVIIIe siècle, les fenêtres et portes-fenêtres de la cour de Marbre, au cœur du Château, viennent d’être restaurées. Parce que ces travaux ont concerné des espaces ouverts au public, ils ont été menés avec toutes les précautions nécessaires.
Trente-quatre fenêtres et portes-fenêtres des façades du Château côté ville de Versailles ont été remises en état. Lancé en avril 2019, le chantier conduit par l’architecte en chef des Monuments historiques Frédéric Didier (agence 2BDM), en collaboration avec la direction du Patrimoine et des Jardins et la Conservation du Château, se devait d’être le plus discret possible. Quatre par quatre, les fenêtres ont été déposées le lundi, jour de fermeture du musée. Chaque dépose a donné lieu à la mise en place d’un caisson en polycarbonate transparent doté d’un habillage en trompe-l’œil. Cette protection assurait l’étanchéité nécessaire à la préservation des décors et des œuvres. De l’extérieur, ce dispositif à baies feintes faisait parfaite illusion et ne perturbait en rien la beauté des façades.
Verres anciens et modernes
Une étude réalisée par l’agence 2BDM montrait qu’il était urgent d’intervenir, tant l’état sanitaire de ces ouvertures était précaire. Altérées par les intempéries, les menuiseries et les maçonneries laissaient filtrer l’humidité, menaçant l’intégrité des œuvres et des décors. Sur leur face extérieure, la peinture devait être reprise. À l’intérieur, les dorures à la détrempe, très fragiles, présentaient des lacunes. L’ensemble des fenêtres a fait l’objet d’un repérage et d’une cartographie des différents types de verres anciens et modernes en présence.
Baie par baie, les verres ont été identifiés selon leur technique de fabrication, c’est-à-dire selon qu’ils ont été biseautés, soufflés ou étirés. « Pour ne pas perdre la diversité historique qui caractérise ces vitrages, les verres cassés ou modernes ont été remplacés dans le respect des proportions des typologies rencontrées sur chaque baie », explique Claire Kummer, architecte du Patrimoine, alors chargée du projet à l’agence 2BDM. « Les vitrages exposés au sud ont été dotés d’un filtre anti-UV pour protéger les précieux intérieurs des rayons du soleil. »
Autour de la cour de Marbre, fenêtre par fenêtre
Le chantier, où sont intervenus maints corps de métiers[1], s’est déroulé en cinq phases. La première, achevée en septembre 2019, a porté sur la zone du cabinet d’angle, alors en cours de restauration, et la chambre de Louis XV, dans les Petits Appartements du Roi, tandis que la troisième était anticipée, de l’autre côté de la cour de Marbre, au niveau de la salle des Gardes du Roi et la loggia de l’escalier de la Reine. La seconde phase a couvert, durant l’hiver passé, ces mêmes Petits Appartements du Roi, mais du salon des Jeux à la pièce de la Vaisselle d’or. La quatrième phase a pu démarrer du côté des appartements de Madame de Maintenon, une fois l’exposition sur l’épouse du Roi terminée, en novembre 2019. Quant à la dernière, elle portait sur la partie centrale de la cour de Marbre, en plein cœur du Château, sur la chambre du Roi, le cabinet du Conseil et le salon de l’Œil-de-Bœuf, et a dû attendre la fin du premier confinement pour aboutir.
La trace émouvante d’un maître de musique
Parmi les spécificités de ce chantier, la restitution de l’ancien garde-corps au niveau de la salle à manger dite «aux Salles neuves» a été réalisée à partir des dessins d’archives et d’éléments conservés dans les réserves d’architecture. Déposé à la fin du XIXe siècle, ce garde-corps constitue un remarquable travail de fer forgé et de tôle martelée et repoussée. Et comme toujours, Versailles réserve des surprises : pour ce chantier, une inscription gravée sur l’un des carreaux de la fenêtre de la pièce de la Vaisselle d’or, « Caron 1765 ». Il pourrait bien s’agir de Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, maître de musique de Madame Adelaïde, dont la pièce de la Vaisselle d’or fut, un temps, le salon de musique…
[1] L’entreprise Chapuis pour les menuiseries, les ateliers Deny-Fontaine pour la serrurerie d’art, l’entreprise Richard pour les maçonneries, l’atelier Mariotti pour les dorures, les ateliers Saint-Jacques pour la ferronnerie d’art, et l’entreprise Lacour pour les peintures et les vitres.