magazine du château de versailles

Portraits en scène

L’architecte, costumier et metteur en scène d’opéra Pier Luigi Pizzi est aussi connu pour ses somptueuses scénographies d’exposition. Bien qu’il se défende ici de toute démesure, celle qu’il a conçue autour de l’œuvre de Hyacinthe Rigaud en souligne l’ampleur et la magnificence.

Vue de l’exposition Hyacinthe Rigaud. © EPV / © Thomas Garnier.

Vous êtes déjà intervenu à Versailles à trois reprises. Tout d’abord pour « Versailles et les tables royales en Europe », en 1993, puis pour « Versailles et l’Antique », en 2012, et enfin pour l’exposition sur la mort du Roi, en 2015. Qu’est-ce qui vous a décidé à revenir ?

Pier Luigi Pizzi, scénographe de l’exposition Hyacinthe Rigaud. Photo DR

Tous ces moments ont été magnifiques et m’ont comblé. Ce qui m’a fait revenir ? L’artiste lui-même, Hyacinthe Rigaud, dont je connaissais et appréciais l’œuvre, c’est sûr, mais aussi, peut-être, la difficulté ! Une difficulté que j’aime partager avec mon fils Massimo, architecte et scénographe comme moi.

L’art du portrait peut, en effet, présenter l’écueil de la répétition, par les formats des tableaux, les attitudes des personnages, les drapés de leurs vêtements…

Pas avec Hyacinthe Rigaud dont la personnalité ne donne qu’une envie : la laisser s’exprimer ! La splendeur des matières, l’abondance et la subtilité des détails de ses tableaux ne pouvaient conduire qu’à des solutions simples, discrètes, avec des éclairages bien dirigés. Nous avons simplement cherché à créer une atmosphère qui évoque le faste de la Cour à travers, notamment, le lexique architectural de la période dite classique. Colonnes, chapiteaux, frontons et arcades scandent l’ensemble du parcours selon des lignes strictes dont la monumentalité fait écho à celle du travail de l’artiste.

Portrait de Jean François Paul de Créqui,
duc de Lesdiguières, par Hyacinthe Rigaud,
1687. © Musée de la Révolution française,
Vizille (dépôt du musée du Louvre).

Ensuite, c’est une question de mise en situation des œuvres selon la juste distance, la bonne hauteur, le jeu des perspectives qui combleront le regard du visiteur. Mais la technique de Rigaud est d’une telle virtuosité qu’elle rend vivant le moindre élément, aérien tout ce qui pourrait paraître pesant, lourd, à l’image de ces perruques où l’on perçoit la légèreté et la douceur du cheveu selon des proportions tout à fait parfaites.

On reconnaît là le costumier de théâtre et d’opéra. En quoi cet univers qui est le vôtre intervient-il dans vos scénographies ?

Chaque exposition m’apparaît, en effet, telle une pièce où il s’agit de faire dialoguer les œuvres entre elles et, en l’occurrence, les personnages entre eux. Pour celle-ci, le principe des rotondes qui se succédent au fil du parcours induit la confrontation grâce aux pans coupés des octogones où se trouvent accrochés les portraits. Chacune des rotondes correspond à la fois à une époque de la carrière du peintre et à un type de clientèle, qui a évolué au fil du temps, depuis ses pairs, les artistes, jusqu’à la noblesse et les rois, en passant par les hommes d’esprit – intellectuels, financiers, magistrats – et les hommes d’Église… avec des espaces un peu plus spectaculaires, comme la Chapelle où est rassemblée la peinture religieuse à laquelle Rigaud avait songé, un temps, se consacrer.

Une rotonde de l’exposition, traitée comme une chapelle pour les tableaux religieux. © EPV / © Thomas Garnier.

Les couleurs jouent aussi un rôle important dans votre scénographie. Que signifient-elles ?

Elles sont directement issues de la palette de l’artiste et créent la continuité à partir d’une seule et même tenture que j’ai moi-même conçue – à l’issue de nombreux essais, avec la maison Rubelli de Venise – et qui m’est chère.

© EPV / © Thomas Garnier.

Par la qualité de son relief, ce tissu donne l’impression d’avoir toujours été là, façonné par le temps. Je l’ai déjà utilisé, d’ailleurs, au Château, pour d’autres occasions. L’insertion de fils dorés dans sa trame apporte une lumière, une préciosité qui conviennent à Versailles, et qui plus est à Rigaud, dont la carrière s’achève en apothéose auprès des grands rois Louis XIV, puis Louis XV.

Propos recueillis par Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles


À VOIR

Exposition Hyacinthe Rigaud ou le portrait soleil
Château de Versailles
Salles d’Afrique et de Crimée

Horaires
Tous les jours, sauf le lundi : 9h-17h30 (dernière admission à 16h45).

Billets
Accessible avec le billet Passeport, le billet Château, ainsi que pour les bénéficiaires de la gratuité.
Réservation horaire obligatoire.
Gratuit et illimité avec la carte « 1 an à Versailles ».

Commissariat général
Laurent Salomé,
Directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
et
Élodie Vaysse,
Conservateur au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Commissariat scientifique
Ariane James-Sarazin,
Directrice adjointe du musée de l’Armée

Scénographie : Pier Luigi Pizzi et Massimo Pizzi Gasparon Contarini


À LIRE

Le catalogue de l’exposition
Coédition château de Versailles / éditions Faton
440 p., 27 × 24 cm ; prix : 49 € ; disponible sur boutique-chateauversailles.fr

Un livret-jeu gratuit a été conçu pour accompagner les enfants âgés de 6 à 12 ans dans l’exposition. En partenariat avec Quelle Histoire.


AUTOUR DE L’EXPOSITION

Visites guidées de l’exposition
sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne sur chateauversailles.fr

Programmation spécifique pour les abonnés « 1 an à Versailles »

 

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