L’imposante monographie sur Antoine Coysevox (1640-1720) publiée par les éditions Arthena, en partenariat avec le château de Versailles, a été remarquée, cette année, avec deux prix. À Versailles, le sculpteur est présent par petites touches, selon des interventions ponctuelles, comme c’était souvent le cas pour les grands décors et pour l’ornement des jardins.
Originaire de Lyon, Coysevox accomplit l’essentiel de sa carrière au service du Roi. Au Château comme dans les jardins, ses interventions ne furent pas toujours spectaculaires, l’artiste recevant commande de sculptures ornementales et de parties intégrantes de programmes collectifs, tout aussi bien que de chefs-d’œuvre destinés à être admirés en tant que tels. Relativement peu présent sur ce chantier versaillais, il ne fut pas en mesure d’y jouer le rôle d’un maître d’œuvre, capable de concevoir un programme et d’en superviser l’exécution – à la différence de Girardon, qui sut s’imposer dans cette fonction à ce moment‑là.
En revanche, son adresse à travailler le stuc, le métal et le marbre, son talent, sa virtuosité même, et sa rapidité d’exécution, mais aussi sa docilité, expliquent qu’il ait été apprécié, notamment par l’architecte Jules Hardouin-Mansart.
À l’intérieur du Château
Sa première intervention à Versailles date de 1678, quand il participa au décor du Grand Degré, depuis détruit, pour lequel il sculpta surtout le buste de Louis XIV. La majestueuse effigie est aujourd’hui visible dans l’antichambre de l’Œil-de-Bœuf.
À partir de 1679, Coysevox fut également associé au chantier de la galerie des Glaces, notamment pour modeler dans le stuc une douzaine des 24 trophées de l’entablement, tous composés selon un schéma identique : un bouclier central encadré de deux enfants ailés, assis sur des cornes d’abondance. Au salon de la Guerre, mitoyen de la galerie des Glaces, le sculpteur intervint aux cadres de la voûte, à l’entablement et sur les parois, où il est l’auteur, entre autres, de quatre grands trophées d’armes à motif de cuirasse et de quatre compositions illustrant les saisons de l’année. Son morceau de bravoure est le grand médaillon de stuc, surmontant la cheminée, qui montre Louis XIV à cheval, foulant ses ennemis terrassés, symboles des nations étrangères vaincues. L’ouverture de la cheminée est garnie d’un relief représentant L’Histoire écrivant les hauts faits du roi. Dans le Château, on doit également à Coysevox quatre reliefs d’enfants formant dessus-de-porte, réalisés en 1681-1682 à l’escalier des Princes.
En façade
Côté cour royale, Coysevox est l’auteur de trois allégories. Les deux premières, La Force et La Justice, ont été posées en 1679 sur la balustrade. La troisième, L’Abondance, a été placée en 1682 sur la guérite sud de la Grille royale. Cette dernière est représentée assise sur le dos d’une vieille femme symbolisant, de manière assez expressive, la famine ou la stérilité. Sous les traits d’une belle et jeune femme, à moitié nue, elle pose un pied sur des épis de blé autour desquels sont répandus des fruits. Couronnée de fleurs et de feuilles de laurier, elle tient deux cornes d’abondance.
Côté jardin, pour l’attique de la façade de la Grande Galerie édifiée par Hardouin-Mansart, Coysevox sculpta en 1679 la statue d’Apollon.
Dans les jardins
Dans les jardins du Château, les interventions de l’artiste furent un peu plus tardives, à partir de 1682, mais également concentrées sur une période assez courte. Son premier chantier concerna le bosquet de l’Arc-de-Triomphe, où il fut chargé de la figure de l’Empire au sein du groupe de La France triomphante.
Pour le parterre de Latone, Coysevox sculpta deux chefs-d’œuvre, copies d’après des originaux antiques, qui ont rejoint le musée du Louvre à la fin du XIXe siècle : La Nymphe à la coquille, entre 1683 et 1685, et La Vénus accroupie, entre 1684 et 1686. L’artiste travailla également à la copie du groupe antique de Castor et Pollux, achevée en 1712 et placée à l’entrée orientale de l’allée royale.
Mais ses plus belles créations pour les jardins de Versailles sont les allégories de La Garonne et de La Dordogne. Leurs modèles furent élaborés en 1685-1686, et traduits dans le bronze par Jean-Balthazar Keller en 1688. L’allégorie de la Dordogne est aisément identifiable, avec ses deux urnes qui symbolisent les sources de la Dore et de la Dogne. Sur la terrasse du parterre d’Eau, à l’angle nord-ouest, on trouve aussi le vase de la Guerre, réalisé entre 1683 et 1686, qui représente la victoire de la France sur les Turcs en Hongrie et l’hommage de l’Espagne à la France.
Enfin, de 1685 à 1688, Coysevox prit une large part aux reliefs du bosquet de la Colonnade. Il sculpta notamment sept des 32 reliefs d’écoinçons représentant des jeux d’enfants. Comme aux trophées de la galerie des Glaces, les visages enfantins de Coysevox sont ronds, avec un grand front bombé encadré de boucles, le nez petit et retroussé, les joues très gonflées et assez basses, la bouche menue. L’expression est volontiers espiègle, parfois boudeuse.
Alexandre Maral,
Conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
Antoine Coysevox, le sculpteur du Grand Siècle a reçu deux distinctions : le Prix Eugène-Carrière de l’Académie française et le prix XVIIe siècle 2020, décerné par la Société d’étude du XVIIe siècle.
À LIRE :
Antoine Coysevox, le sculpteur du Grand Siècle,
sous la direction de Alexandre Maral et Valérie Carpentier-Vanhaverbeke,
château de Versailles / éditions Arthena,
nov. 2020, 139 €.
L’article de Valérie Carpentier-Vanhaverbeke pour Les Carnets de Versailles : Cortège du Grand Siècle