magazine du château de versailles

Cherche maison secondaire

Trouver une maison où se retirer de temps en temps et échapper à l’autorité maternelle : comme tant d’autres, Louis XIII s’y est activé, jusqu’à l’emplacement idéal, une petite butte
dominant le bourg de Versailles.

Extrait de l’article « Versailles au temps de Louis XIII »
dans la revue Château de Versailles n°45.

Le village de Versailles vers 1620 avant les constructions de Louis XIII : la maison du roi fut construite en 1623-1624 au sommet de la butte, entre le moulin et l’église. Dessin de l’auteur. © Jean-Claude Le Guillou

Au printemps de 1615, Louis XIII avait hérité d’une belle maison avec jardin et parc que lui avait léguée la reine Marguerite, duchesse de Valois, la première épouse de son père Henri IV. Pour le jeune roi, cette maison, située au sud de Paris dans la paroisse d’Issy, était une aubaine. En effet, comme il devait prochainement se marier, il y vit l’opportunité d’en faire une résidence où il pourrait se retirer de temps à autre avec sa future épouse, voire éventuellement tout seul, afin d’échapper à l’oppression qu’exerçait sur lui la reine mère, Marie de Médicis.

Louis XIII, roi de France (1601-1643), vers 1616, au moment de son mariage, d’après Frans Pourbus le jeune. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux

[…] Aussi, peu après son mariage, prit-il possession de la maison. C’était le 26 mai [1616] : « Monte en carrosse et va à Issy voir l’une des maisons de la feue reine Marguerite. » Il y retourna le lendemain, puis encore le 30 pour y faire « travailler à son parterre » et encore le 8 juin où il s’amusa à se préparer une omelette dans la cuisine. Malheureusement, la reine mère, estimant que l’attitude de son fils exprimait une intolérable manifestation d’indépendance, prétendit que la maison d’Issy devait servir à éponger les dettes de la feue reine Marguerite, et en conséquence elle le força à vendre le parc le 9 juillet, puis la maison et les jardins quelque temps après.

« Courcelles », « la Planchette » et « les Ternes »

Ayant été dépossédé d’Issy, Louis XIII chercha une compensation en portant son regard, à la fin de l’année 1616, vers les faubourgs du nord-ouest de Paris, particulièrement sur trois écarts des paroisses de Clichy et de Villiers, où il acheta trois petites maisons nommées « Courcelles », « la Planchette » et « les Ternes ». Il y vint avec plaisir plusieurs fois en décembre 1616, et y fit faire de menus travaux. Mais dès le début de l’année suivante, il y renonça, probablement encore sous l’influence maternelle.

Portrait en buste de Marie de Médicis, par Frans Pourbus le jeune, XVIIe siècle. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © Château de Versailles (dist. RMN-Grand Palais) / Christophe Fouin

Puis vint la journée du 3 mai 1617 au cours de laquelle le roi, de plus en plus exaspéré par l’omniprésence de sa mère, s’en libéra fermement en l’exilant au château de Blois, après l’avoir privée du soutien de son favori Concini, assassiné le 24 avril. Le lendemain du départ de la reine mère, le roi partit pour le château de Vincennes, où un logis récemment construit pouvait peut-être devenir la résidence qu’il cherchait. Mais l’Est parisien ne lui convint pas. Préférant décidément la région de l’Ouest, il jeta son dévolu à la fin de l’été sur le château de Madrid, aux confins du bois de Boulogne. Cette fois, comme il pouvait enfin disposer à son gré des deniers alloués aux Bâtiments royaux, il y fit faire de notables travaux de restauration et d’aménagement. Tout étant achevé au début de l’année 1618, le roi s’y rendit le vendredi 19 janvier : « Visite tout le logement du chasteau, le fait luy-mesme marquer pour y loger. » Puis le mardi suivant, accompagné de son épouse : « Va à Madrid pour y loger, ce fust la première fois. » Ils y restèrent pendant dix jours, jusqu’au 1er février. Mais une telle résidence, un peu trop royale, ne correspondait pas exactement à l’idée de retraite que Louis XIII entretenait en son for intérieur.

Une garenne seigneuriale

C’est alors qu’il se souvint d’un lieu où il avait chassé étant enfant, et où il était revenu par hasard en septembre 1617 alors qu’il chassait à Maisons-sur-Seine : « Le cerf passe l’eau [la Seine] et le roi y passe aussi la rivière à gué et va jusqu’à Versailles. »
En février 1619, le nom de Versailles était réapparu. Cette fois, c’était intentionnellement, à l’occasion d’une grande chasse organisée par le roi en l’honneur de son beau-frère, le prince Victor-Amédée de Savoie-Piémont. […] Après cette chasse, on retrouvait le roi à Versailles le 23 novembre de la même année : « Arrive à Versailles à neuf heures, où il a dîné à dix. […] À midi monte à cheval, part de Versailles, et chassant, arrive à Saint-Germain-en-Laye. » De même le 15 février 1621, toujours pour une chasse suivie d’un dîner.
À ce moment, Versailles commençait donc à tenir une place notable parmi les activités du roi. À tel point qu’il se décida à y acheter la garenne seigneuriale, c’est-à-dire une petite réserve de menu gibier (située à l’emplacement de l’actuelle gare Versailles Château-Rive Gauche).
Dès lors, on le vit, attentif à ses droits de chasse, édicter des règlements et faire dresser une liste exhaustive des personnes autorisées à chasser sur le terroir ; en l’occurrence lui-même, le seigneur de Glatigny, le curé de Buc, le lieutenant du prévôt de L’Isle et quatre habitants du lieu. […]

Le château de Louis XIII à Versailles, vers 1640. Dessin de l’auteur. © Jean-Claude Le Guillou

À la place d’un moulin à vent

Cette fois, les dés étaient jetés : la maison personnelle qu’il espérait posséder depuis sept ou huit ans serait à Versailles. Certes, il y existait bien un manoir seigneurial qu’il aurait pu acheter ; mais comme ce manoir était enclavé en plein bourg, sa situation était incommode ; de plus, il était occupé par plusieurs familles de villageois qui en louaient les chambres et le jardin au seigneur du lieu, Jean-François de Gondi archevêque de Paris. […]
L’emplacement retenu fut le sommet de la butte dominant le bourg de Versailles. L’espace dont le roi avait besoin ne consistait qu’en trois hectares de terres en culture, ainsi qu’en une petite motte sur laquelle était bâti un moulin à vent. À la fin de l’été 1623, Sa Majesté réquisitionna l’ensemble sans rien payer aux six propriétaires concernés, mais en leur promettant de les indemniser plus tard.
Comme la maison qu’il y ferait bâtir serait isolée, et par conséquent exposée au brigandage, voire aux attentats, Louis XIII voulut lui donner les caractères d’une maison forte reposant sur une plate-forme bastionnée. […] Naturellement, l’ensemble serait complété d’une basse-cour pour le service et d’un jardin pour l’agrément. Le tout étant contenu dans un enclos rectangulaire fermé par une muraille assez haute pour dissuader les importuns et les brigands.
À l’intérieur, le roi voulait un appartement de quatre pièces pour lui-même, une quinzaine de chambres pour ses compagnons de chasse, ainsi que des locaux de service tels que cuisine, garde-manger et armurerie. Aucun logement n’était prévu pour la reine car le roi ne l’y souhaitait pas : « Je crains le grand nombre de femmes qui me gâterait tout si la reine y venait, » dira-t-il un jour.

Jean-Claude Le Guillou,
historien

Article paru dans Les Carnets de Versailles n°20 (avril-septembre 2022)

Vue du château royal de Versailles, où le roi se va souvent divertir à la chasse, par Israël Silvestre, vers 1654. Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-Grand Palais (château de Versailles/Gérard Blot)


La revue Château de Versailles

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le n°45 de la revue Château de Versailles (avril-juin 2022). La revue est disponible en kiosque et sur la boutique en ligne du Château : boutique-chateauversailles.fr

 

mot-clés

partagez

à lire également