William Christie dirigera, le 9 décembre, cette messe de requiem :
une pépite du baroque français trop peu connue
qui pourtant, à l’époque, fit fureur.
Il y a un mystère autour du Requiem de Campra : l’œuvre n’est citée nulle part durant tout le XVIIIe siècle. Or, dès son arrivée à Paris en 1694, son auteur est un compositeur très en vue pour sa musique religieuse. À quelle occasion son Requiem a-t-il donc été joué ? À Versailles, à la Chapelle royale où il a été nommé en 1722 ? Ou pour célébrer la mémoire d’un ecclésiastique de renom ? Quoi qu’il en soit, après le règne absolu du goût de Louis XIV, on attend de la nouveauté, et Campra y répond parfaitement. En 1723, au moment où il compose son Requiem, il vient d’être nommé sous-maître de la musique à la Chapelle royale de Versailles. C’est un poste convoité depuis que le Régent a décidé de mettre fin au monopole détenu par Lalande, titulaire des quatre charges de sous-maîtres depuis 1714. Ce renouvellement doit accroître le prestige et le rayonnement de la Chapelle royale en présentant une diversité de talents.
Une œuvre moderne
Campra a soixante-deux ans et ne déçoit pas. Son Requiem fascine par l’ampleur des constructions vocales, l’écriture souple qui donne une allure majestueuse à toute l’œuvre.
L’Offertoire exprime d’abord le sentiment d’angoisse provoqué par la chute aux enfers. Lorsque des dissonances apparaissent, c’est comme peindre avec des couleurs sombres. L’œuvre se termine d’une manière éclatante sur le Et lux perpetua, d’une beauté envoûtante. Il chante la foi du croyant devant son créateur.
« La modernité du Requiem est perceptible à travers la qualité de ses mélodies, la texture allégée et brillante de son orchestre et son goût pour la simplicité. »
La modernité du Requiem est perceptible à travers la qualité de ses mélodies, la texture allégée et brillante de son orchestre et son goût pour la simplicité. Ses mélodies dans un tempo rapide comportent parfois des arpèges et sauts d’intervalles qui leur donnent une certaine vivacité, et trahissent une influence davantage italienne que française. Le texte du Requiem est, bien entendu, écrit en latin, mais à partir du règne de Louis XV, un résumé en français est ajouté en tête de chaque texte chanté, probablement pour que le roi puisse en comprendre le sens général : contrairement à Louis XIV qui savait le latin, il ne maîtrisait pas parfaitement cette langue ancienne, tout comme Louis XVI.
Trois messes et de nombreux motets
Campra se montre ainsi ingénieux, inventif, soucieux de plaire et d’être à la mode. Il est aussi un homme de société, aimant le vin, les hommes plus que les femmes et peu soucieux des usages qu’il transgresse. C’est pourtant par sa musique religieuse que Campra a séduit le public, exécutant des motets à l’église ou lors de concerts privés. Les amateurs se sont rapidement mis à adorer sa musique. Et les cérémonies religieuses rythmant les journées aux XVIIe et XVIIIe siècles, les motets peuvent être joués à plusieurs occasions. L’œuvre sacrée de Campra est immense : trois messes, cent vingt grands et petits motets ainsi que vingt cantates.
Laure Dautriche,
musicologue et journaliste
À ÉCOUTER
André Campra
Requiem
Samedi 9 décembre 2023, à 19 h
Chapelle royale
1 h 15, sans entracte
Gwendoline Blondeel, dessus
David Tricou, haute-contre
Antonin Rondepierre, taille
Igor Bouin, basse-taille
Matthieu Walendzik, basse-taille
Les Arts Florissants, chœur et orchestre
William Christie, direction musicale