Les idées politiques d’Horace Vernet sont passionnantes à étudier, tant elles paraissent opportunistes. Sa famille, qui appartenait à la franc-maçonnerie depuis plusieurs générations, accueillit la Révolution française sans état d’âme, puis se rallia au Premier Empire. S’il accepta des commandes de la Restauration, l’artiste répondait depuis 1817 à celles de Louis-Philippe, duc d’Orléans, au point d’être considéré comme le peintre du parti libéral d’opposition.
En 1848, Vernet était à Paris et à Versailles. Capitaine à la Garde nationale à Versailles, il s’entretint avec le roi le 22 février, tout en se ralliant au peuple contre le gouvernement. Comme de nombreux artistes, il fut solidaire des insurgés. Mais, pendant les journées d’émeute en juin, Vernet prit part aux combats… du côté de l’armée régulière ! Ainsi le laissait entendre Théophile Silvestre, interrogeant le peintre :
« – Il paraît que vous avez souvent vu le feu ?
« – Souvent… Charles ! faites voir à monsieur le pantalon des journées de Juin !
« Le domestique apporta, non pas un pantalon, mais un petit carré de drap troué, une relique des combats livrés à l’anarchie1. » L’anarchie ! le mot dit tout.
Socialisme et choléra est une satire allégorique de la République et des fléaux de 1848 : le socialisme et le choléra morbus. Dans ce tableau, la guillotine est dressée, mais le couperet a cessé de fonctionner. L’extermination des insurgés est totale, le bourreau, n’ayant plus personne à exécuter, vient de se guillotiner lui-même et son corps est recouvert d’un drap rouge. À gauche, à l’arrière-plan, deux prêtres sont pendus à une croix qui vacille. Sur ce chaos, trône le choléra qui joue sur de la flûte avec un tibia. Le Socialisme est figuré par la Mort : assise sur la guillotine, elle lit le dernier numéro du journal Le Peuple, tandis que le manche de sa faux sert de hampe à un drapeau rouge, sur lequel est écrit : République sociale. Trois couleurs symboliques dominent la scène, le vermillon, le jaune et le gris-noir, autrement dit le sang, l’or et les ténèbres.
La composition est un rare exemple des idées des conservateurs français qui craignaient que la Révolution de 1848 n’entraînât la chute de la civilisation européenne. Cette représentation de terreur montre combien Horace Vernet, le chantre du réalisme et des gloires nationales, était sensible à l’allégorie. Tableau exceptionnel dans son œuvre, il vient d’être acquis par le château de Versailles.
1 Théophile Silvestre, Histoire des artistes vivants – Horace Vernet, E. Blanchard libraire-éditeur, Paris, 1857.
Valérie Bajou,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°23 (octobre 2023-mars 2024).
À VOIR
Exposition Horace Vernet
Du 14 novembre 2023
au 17 mars 2024
Château de Versailles – Salles d’Afrique et de Crimée
Horaires : Tous les jours, sauf le lundi, de 9 h à 17 h 30 (dernière admission à 17 h).
Billets : Accessible avec le billet Passeport ou le billet Château.
Pour les bénéficiaires de la gratuité : gratuité et tarifs réduits sur le site chateauversailles.fr
Réservation horaire obligatoire.
Gratuit et illimité avec la carte « 1 an à Versailles ».
COMMISSARIAT
Valérie Bajou,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Scénographie :
Antoine Fontaine,
Roland Fontaine, Perrine Villemur
AUTOUR DE L’EXPOSITION
Visites guidées de l’exposition
Sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne sur chateauversailles.fr
Visites en famille
Plusieurs activités pour les familles sont proposées.
Un parcours audio à télécharger gratuitement sur l’application
mobile : onelink.to/chateau
Programmation spécifique pour les abonnés « 1 an à Versailles »
à découvrir sur chateauversailles.fr/abonnes
À LIRE
Le catalogue de l’exposition
Coédition château de Versailles / Faton
448 p., 24 × 27 cm, 54 €
Disponible sur boutique-chateauversailles.fr
Un livret-jeu gratuit pour les 7-12 ans,
disponible sur chateauversailles.fr et en distribution libre à l’entrée de l’exposition.
En partenariat avec Le Petit Léonard.