Un service de porcelaine commandé par Marie-Antoinette est désormais présenté dans l’une des salles à manger du Petit Trianon.
Il offre, grâce à une très importante dation, une occasion unique de voir réunies un grand nombre de pièces d’un ensemble d’origine royale.
Soixante-quinze pièces en porcelaine de la Manufacture royale de Sèvres ont fait l’objet, au printemps de l’année 2023, d’une dation en faveur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon et ont été attribuées au Petit Trianon. Toutes proviennent d’un service de table dit « à perles et barbeaux », exécuté à la fin de l’année 1781 et livré à la reine Marie-Antoinette le 2 janvier 1782 par la Manufacture royale.
Un chef-d’œuvre de la Manufacture royale, réalisé en un temps record
Probablement acquis pour le Petit Trianon, ce service, destiné à l’origine à vingt-quatre convives, était composé de deux cent quatre-vingt-quinze pièces, nécessaires au déroulement du service à la française alors en usage sur les tables royales.
Le décor choisi par la reine pour orner l’ensemble des pièces est constitué de motifs de perles qui se détachent sur de fines bordures à fond vert olive, dit « merde d’oie » dans les documents anciens. Entre les bordures, on distingue des barbeaux en semis (vieux nom français pour les bleuets) et, au centre des pièces, des barbeaux en bouquets. Ce décor, à la fois naturaliste et d’un extrême raffinement, reflétait parfaitement les goûts de la reine, qui le choisit elle-même.
La commande du service « à perles et barbeaux » semble dater du mois de juillet 1781. Sa pose ne commença qu’en novembre, mais elle mobilisa les compétences de nombreux peintres et doreurs. Rapidement mené, le travail fut achevé dès la fin de cette année.
Soixante-quinze pièces affectées aux différents services
Les soixante-quinze pièces sont composées d’éléments utilisés lors des différents services qui se succédaient dans le cadre du service à la française. Les uns étaient destinés aux premiers services qui comportaient les potages, les entrées, les oilles, les rôts… Les autres apparaissaient lors du service du dessert ou du fruit. Ces derniers, au nombre de cinquante-deux, forment la plus grande partie de l’ensemble et sont répartis de la façon suivante : trente-quatre assiettes plates, quatre compotiers carrés, trois compotiers coquille, deux compotiers ronds, deux compotiers ovales, deux seaux à glace, deux seaux à bouteille, deux seaux à verre et la pièce la plus importante et la plus coûteuse du service, la jatte à punch.
Certaines pièces de dessert sont particulièrement rares, notamment les deux seaux à glace, appelés aussi glacières, avec leurs doublures intérieures. Ces objets, destinés à garder les sorbets au frais, constituaient de véritables tours de force techniques.
L’instant du dessert mis en scène
Lorsque nous avons réfléchi à la possibilité de dresser une table, grâce à l’apport de la dation, dans la petite salle à manger du Petit Trianon, l’importance numérique des pièces de dessert nous a conduits tout naturellement à privilégier l’évocation de cette dernière partie du repas sur la table centrale. Toutefois, toutes les pièces de la dation sont, bien entendu, visibles sur les différents meubles qui l’accompagnent : les deux consoles plaquées d’acajou de Jean-Henri Riesener qui viennent de la maison de la Reine, au Hameau, la table servante de François-Gaspard Teuné, destinée au comte d’Artois à Versailles, et la table à double plateau, plaquée de loupe de thuya et d’acajou d’Adam Weisweiler, qui provient du legs de la duchesse de Windsor.
On ignore aujourd’hui à quelle date exacte le service « à perles et barbeaux » fut aliéné lors de la Révolution française. Il ne figure pas en effet dans les procès-verbaux des ventes qui se déroulèrent à Versailles et au Petit Trianon en 1793 et 1794. Une partie du service, cent vingt et une pièces exactement, réapparut à la fin du XIXe siècle dans une collection particulière britannique, celle d’Edward Charles Baring, 1er baron Revelstoke (1828-1897), qui fut mise en vente chez Christie’s, à Londres, le 28 juin 1893. Les pièces de la dation sont issues de cet ensemble.
Marie-Laure de Rochebrune,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°23 (octobre 2023-mars 2024)
De nombreuses pièces
liées au service des boissons
Le service « à perles et barbeaux » ne comportait originellement aucune terrine, aucun pot à oille, ni aucun grand plat, ce qui signifie que la reine préférait l’orfèvrerie pour ce type de pièces.
En revanche, l’ensemble était très riche en éléments liés au service des boissons. Il présentait, en effet, plusieurs tailles de seaux à rafraîchir les vins, les liqueurs et les verres et une jatte à punch.
À DÉCOUVRIR
Le service « à perles et barbeaux », dans la petite salle à manger du Petit Trianon, grâce à la visite guidée « Le Petit Trianon de Marie-Antoinette ».
Sur réservation par téléphone au 01 30 83 78 00 ou en ligne