magazine du château de versailles

Le Général en sa retraite

La rénovation du pavillon présidentiel de Marly fait ressurgir la figure de Charles de Gaulle qui y séjourna du 21 janvier au 25 mai 1946. Il s’y rendit ensuite à plusieurs reprises, toujours dans des circonstances singulières.

Le pavillon de Marly rénové. © EPV / Christian Milet

La présence du général de Gaulle est perceptible, à Versailles, notamment dans l’aile de Trianon-sous-Bois, réaménagée par ses soins pour recevoir les chefs d’État étrangers. Elle règne aussi en ce lieu méconnu, dans le parc de Marly, qui dépend aussi du domaine. Ce pavillon à l’allure bourgeoise pourra désormais recevoir du public et accueillir des colloques et des expositions. Il était, dès sa construction vers 1770, destiné à la chasse et affecté, en 1879, à cette activité pour la présidence de la République. Après son retour au pouvoir en 1958, de Gaulle y viendra régulièrement, mais il connaissait déjà bien le bâtiment qu’il loua quelques mois à l’issue de la guerre.

Location précaire

En ce début d’année 1946, le Général, Président du gouvernement provisoire, est confronté à l’opposition de l’Assemblée constituante. Sa conception de l’État et des partis dans le cadre de la restauration de la République est rejetée, et il démissionne le 20 janvier. Sa propriété de la Boisserie, à Colombey-les-Deux Églises, est en travaux à cause de la guerre. En attendant, de Gaulle se retire au pavillon de Marly.
L’acte de location, que l’on a conservé, témoigne d’une occupation privée dont est relaté le manque de confort par son aide de camp, Claude Guy. Il y fait froid, à tel point que l’on n’occupe pas le bureau qui est trop grand pour être chauffé. Les murs suintent d’humidité, « mouillant les lisières du tapis ». La famille se tasse dans le petit salon et Yvonne de Gaulle constate tout ce qui manque dans la cuisine. En ce temps suspendu, qui durera quatre mois, le Général reçoit de rares visites, dont celles d’André Malraux et de François Mauriac, du nouveau président de l’Assemblée constituante, Vincent Auriol, et de quelques militaires. Georges Pompidou vient aussi prêter main-forte à son épouse pour créer la fondation Anne de Gaulle, du nom de sa fille handicapée.

Un pavillon de la solitude

On sait peu de choses de cette époque durant laquelle de Gaulle entreprend d’écrire ses mémoires et avoue se sentir dans une « solitude incroyable ». Mais il dit aussi se confier « une fois de plus, à la force démonstrative des faits », avec cette assurance qui lui fit tenir tête aux Allemands. Comme le remarqua d’ailleurs le directeur du Figaro de l’époque, de Gaulle avait disparu, mais pas trop loin du pouvoir : « Il avait annoncé son départ définitif, et il reste là, mêlé à tout, à la porte, tout près… » Refusant des médailles honorifiques, déclinant des invitations commémoratives, il attend son heure : il mise sur l’échec du référendum constitutionnel qui a lieu le 5 mai et qui lui donne, en effet, raison. Dès lors, il se prépare au discours politique qu’il prononcera le 16 juin à Bayeux pour exposer son projet constitutionnel, à l’origine de la Ve République. Ce discours ne portera pas tout de suite ses fruits. Il marque, au contraire, le début d’une période de retraite beaucoup plus longue à la Boisserie avant que le Général ne fréquente à nouveau le pavillon de Marly, fort de son aura de Président de la République.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles

Le pavillon de Marly a été rénové grâce au financement du Département des Yvelines.

Les activités culturelles seront organisées par l’Établissement public du château de Versailles en partenariat avec la Fondation Charles de Gaulle et la ville de Marly-le-Roi.

mot-clés

partagez

à lire également