Ultime chantier de Louis XIV, la Chapelle royale en fut aussi le plus éminent, symbole de la nature divine du pouvoir du Roi.
Avec un budget de près de 2,5 millions de livres (plus du double de celui de la galerie des Glaces), Louis XIV consacra des moyens considérables à l’édification de ce qui peut être considéré comme son testament religieux. Mené notamment pendant la guerre de Succession d’Espagne, ainsi qu’en 1709, durant le terrible grand hiver, l’effort consenti en faveur de la Chapelle traduit la volonté inébranlable du souverain, affirmée à l’encontre même de son entourage le plus proche. Deux architectes, sept peintres, 105 sculpteurs et d’innombrables artisans et ouvriers furent mobilisés pour la réalisation de ce chef-d’œuvre sacré, qui demeure la partie la plus achevée et la plus authentique du palais.
La Chapelle royale fut inaugurée seulement en 1710 : Louis XIV ne la connut que relativement peu de temps, puisqu’il mourut cinq ans plus tard. Mais il y avait beaucoup pensé depuis l’annonce de sa construction, en 1682, et le début effectif du chantier, en 1687. Il avait soigneusement établi son emplacement, au débouché de l’enfilade du Grand Appartement qu’il empruntait tous les matins pour se rendre à la messe et en revenir. En 1689, il avait également décidé qu’elle dominerait la masse du château de Versailles et serait visible de tous côtés, tant des jardins que de la ville.
Monument italien ou français ?
Pendant longtemps, la Chapelle royale de Versailles a été décrite comme un édifice placé sous influence ultramontaine, ce que l’on appelait, de manière assez péjorative, le « style jésuite ». La polychromie des marbres, les peintures de la voûte, les verrières blanches, les figures allégoriques des vertus couchées au-dessus des fenêtres de la tribune, les statues juchées sur la balustrade extérieure : autant de traits d’un langage qui était alors parlé à Rome depuis plus d’un siècle, notamment à la basilique Saint-Pierre, un modèle en matière d’architecture religieuse.
En 1689, lorsqu’il fut chargé de rehausser l’édifice, l’architecte Hardouin-Mansart eut l’idée de mettre en valeur le premier étage, celui de la tribune royale, par une colonnade. Cette dernière était une adaptation du modèle conçu par Perrault pour la façade orientale du Louvre, une référence majeure en matière d’architecture moderne à la française. En outre, la chapelle versaillaise devait s’inscrire dans la grande tradition médiévale de la Sainte-Chapelle, à laquelle elle emprunte à la fois son plan, la configuration de sa toiture à forte pente et dominée à l’origine par un lanternon et ses gargouilles.
Ainsi, par son architecture, la Chapelle venait en quelque sorte proclamer la fidélité du souverain français à l’Église romaine, mais aussi son statut de chef d’une Église gallicane et son adhésion à l’héritage de Saint Louis, son ancêtre et son saint patron. À l’intérieur du monument, le cycle de peintures ornant la voûte se termine par une composition, due à Jean Jouvenet, qui souligne le rapport privilégié entre le souverain, présent tous les matins à la tribune, et le Saint-Esprit, symbolisé dans la partie qui la surplombe.
Alexandre Maral,
Conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
Une tribune d’excellence
Louis XIV a considérablement développé la musique en sa chapelle : on sait qu’il participait au recrutement des musiciens. Il favorisa l’épanouissement d’un répertoire de motets – ou psaumes mis en musique polyphonique – qui fit de la Chapelle royale une tribune d’excellence, réputée dans l’Europe entière. Les plus grands compositeurs de musique sacrée furent ainsi présents à Versailles jusqu’à la fin de l’Ancien Régime : Michel-Richard de Lalande, André Campra, Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville pour la musique polyphonique, François Couperin, Jean-François Dandrieu ou encore Louis-Claude Daquin pour la musique d’orgue.
Culte et cérémonies
À la Chapelle royale, le culte divin était assuré par les officiers ecclésiastiques de la Maison du Roi et par les Pères de la Mission, ou Lazaristes, qui célébraient, chaque jour, la messe du Roi et une vingtaine d’autres messes, mais aussi les offices des vêpres et des complies, les saluts du Saint-Sacrement et les grandes processions. Un prédicateur extérieur était, en outre, convié pour prononcer des sermons pendant l’Avent et le Carême.
Les plus grandes cérémonies qui prirent place à la Chapelle royale le furent sous le règne de Louis XV : la réception des chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit en 1724, le mariage du Dauphin, fils de Louis XV, en 1745, ou encore le mariage du futur Louis XVI en 1770.
À LIRE
Alexandre Maral, La Chapelle royale de Versailles, éditions Arthéna, 2021
25 x 33 cm, 424 p., 99 € TTC
À VOIR, sur la restauration de la Chapelle royale :
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- Le portfolio avant restauration par Jean-Philippe Mesguen : au faîte de la Chapelle
- La présentation du projet par l’Architecte en chef des monuments historique
- L‘installation de l’échafaudage de la Chapelle
- La restauration des statues monumentales en pierre de la Chapelle
- La restauration de la charpente de la Chapelle
- La restauration des ornements en plomb de la Chapelle
- La restauration des menuiseries des baies de la Chapelle
- La restauration des verrières de la Chapelle
- L’origine des dorures de la Chapelle royale
- Reportage sur la dorure
- Le bilan de cette restauration par l’Architecte en chef des monuments historiques
- L’interview de Thomas Clouet et Stéphane Masi qui ont suivi de près le chantier.
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Et retrouvez toutes les étapes de la restauration de la Chapelle royale sur le site Internet du Château : chateauversailles.fr/chapelle-royale