magazine du château de versailles

Une assiette
de légende

Cette assiette a rejoint les quelques pièces du service mythologique à fond « beau bleu », en très grande partie conservé dans les collections royales britanniques.

Assiette unie du service mythologique de Louis XVI à Versailles, par Pierre-André Le Guay (peintre), et Étienne-Henry Le Guay (doreur), manufacture royale de porcelaine de Sèvres, 1787, porcelaine tendre. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, inv. V.2021.13.
Ce service constitua, selon l’historien de l’art Pierre Verlet, le chant du cygne de la production de pâte tendre à la manufacture royale de Sèvres, à la veille de la Révolution française. On maîtrisait parfaitement, en effet, à cette date la technique de la porcelaine dure à base de kaolin, mais la pâte tendre était jugée, en particulier par Louis XVI et par Catherine II de Russie, comme plus adaptée à la peinture de figures. © Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin

Le service mythologique à fond « beau bleu » fut livré à Louis XVI à partir de 1783. Mythique à bien des égards, il est le plus savant de tous ceux qui furent réalisés par la manufacture royale de porcelaine de Sèvres au XVIIIe siècle. Le Roi lui-même en conçut la composition et en dressa le programme iconographique très érudit, inspiré de l’histoire antique et de la mythologie gréco-romaine, ainsi que le calendrier d’exécution. La livraison du service aurait dû se poursuivre jusqu’en 1803 si la chute de la royauté n’avait interrompu définitivement sa fabrication, au tout début de l’année 1793. S’il avait été achevé, l’ensemble aurait dû comporter plus de 420 éléments. 200 pièces furent finalement réalisées. On en connaît aujourd’hui environ 150, dont la plus grande part est conservée au château de Windsor depuis le début du règne de George IV (1762-1830).

Jatte à punch, par Charles-Nicolas Dodin, manufacture royale de porcelaine de Sèvres, 1788, porcelaine tendre. Collections royales anglaises, château de Windsor. © The Royal Collection Trust

Scènes tirées de l’histoire romaine et de la mythologie

Louis XVI souhaita que le service soit exécuté en pâte tendre, matière favorite des grands amateurs pour sa douceur et son onctuosité. Sa fabrication, d’une extrême difficulté, fut confiée aux meilleurs peintres de figures de Sèvres. Chaque pièce était ornée de scènes historiées, peintes d’après des gravures en feuilles ou issues de livres illustrés, dans des médaillons ou dans des cartouches enrichis d’une dorure d’une grande qualité. Le fond « beau bleu » était orné de motifs de rinceaux et de feuillages, peints à l’or, brunis et ciselés après la cuisson. 51 assiettes plates unies furent finalement réalisées entre 1783 et 1791. Sur 48 assiettes encore connues aujourd’hui, 43 sont conservées dans les collections royales anglaises.

Détail du centre de l’assiette acquise par le château de Versailles. © Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin

Toutes furent décorées d’un grand médaillon central, circulaire, et de quatre cartouches oblongs. Leur prix de vente, très élevé, de 480 livres s’explique par la grande minutie nécessaire à l’exécution des scènes. Le décor de l’assiette acquise par Versailles a été exécuté par Pierre- André Le Guay le jeune. Au centre, on admire une scène extraite des Métamorphoses d’Ovide : Coronis poursuivie par Neptune et métamorphosée en corneille par Minerve. Les scènes peintes sur les quatre cartouches s’inspirent des gravures illustrant l’Histoire romaine représentée par figures, publiée en 1784. On distingue les quatre sujets suivants : L’Abolition des dettes, la Punition de Cassius, Cincinnatus et la Création des tribuns.

Ventes révolutionnaires

La majeure partie des pièces réalisées, 126 exactement, fut mise à l’encan par le gouvernement révolutionnaire à Versailles, lors de ventes qui se déroulèrent du 22 juin au 7 juillet 1794. C’est, pour l’essentiel, cette partie qui fut acquise en 1811 par le prince régent, futur George IV.

Marie-Laure de Rochebrune,
conservateur général au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,
assistée de Vincent Bastien

Cette assiette a pu être acquise en 2021 par le château de Versailles grâce au legs de Mme Heymann.

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°19 (novembre 2021 – mars 2022).


Mortier, par Nicolas-Pierre Pithou le jeune, manufacture royale de porcelaine de Sèvres, 1788, porcelaine tendre. Collections royales anglaises, château de Windsor. © The Royal Collection Trust

Des pièces pour le service du dessert

Le service mythologique à fond « beau bleu » répondait aux différentes exigences du service à la française, mais la majorité des pièces était destinée au service du dessert : les assiettes plates unies, mais également les diverses formes de compotiers et de seaux à rafraîchir les verres et les bouteilles ; la jatte à punch et son mortier ; les tasses à glace et leurs plateaux ; les seaux à glace ainsi que les sucriers. Selon le programme établi par le Roi, deux marronnières devaient également être fabriquées en 1801-1802. Elles ne furent jamais exécutées du fait de la mort du Roi en janvier 1793. Celui-ci n’avait pas jugé utile de commander des pièces de sculpture pour composer un surtout spécialement attaché au service, car, en 1783, il avait déjà acquis un grand nombre de biscuits pour le décor de sa table.

Article publié dans Les Carnets de Versailles n°19 (novembre 2021-mars 2022).


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