Exceptionnel Figaro, Scarpia démoniaque, Falstaff gigantesque, Bryn Terfel fait partie des chanteurs les plus aimés des mélomanes, fascinés par sa présence scénique phénoménale.
La star des barytons-basses clôt la saison de récitals à Versailles le 17 juin, dans un programme consacré à Mozart.
Bryn Terfel est à l’opéra ce que Depardieu et De Niro sont au cinéma : un monstre sacré. Voix saine et puissante, timbre d’airain, le colosse de cinquante-sept ans a été révélé en Leporello dans Don Giovanni de Mozart avec la mise en scène de Chéreau à Salzbourg, avant de conquérir l’Amérique par ses grands rôles au Metropolitan Opera et ses enregistrements de grands airs de comédies musicales.
Un travailleur acharné
La paresse n’a jamais fait partie de son vocabulaire, bien au contraire. Bryn Terfel a compris très vite que les chefs d’orchestre et les metteurs en scène ne détestent rien davantage que les chanteurs paresseux. Ceux qui l’ont côtoyé dans le travail savent que, pendant une répétition, même lorsque ce n’est pas à lui de chanter, il reste concentré, curieux, et observe ce qui va advenir. Il sait que l’écoute est la qualité première des chanteurs d’opéra, avant même la technique.
Il lui a fallu de l’abnégation pour pousser les portes d’un monde musical qui n’était pas le sien. Né dans un milieu d’agriculteurs, Bryn Terfel grandit au milieu des moutons et de la nature. De son père, qui gardait les vaches, il conserve le goût des valeurs terriennes. Avec son grand frère, il se passionne pour le foot et le rugby. Enfant, il n’imagine pas arpenter un jour les plus grandes scènes lyriques. Des années de travail et de sacrifices vont lui faire manquer la naissance de son premier fils, parce qu’il répète à Salzbourg avec Patrice Chéreau et Daniel Barenboim.
Mauvais garçons
Comme Pavarotti, Bryn Terfel partage le goût des grands écarts entre répertoire savant et populaire. Cela provient de ses racines galloises. Quand Bryn Terfel commence le chant, son professeur lui interdit toute note d’opéra. Il n’apprend que des chansons traditionnelles et comprend l’importance du rapport entre texte et musique. À ses yeux, mieux vaut un mot juste qu’une belle note. Parmi ses rôles fétiches : Wotan du Ring de Wagner, Leporello de Don Giovanni ou encore Faust de l’œuvre de Gounod. Dans un opéra, les ténors incarnent souvent des rôles de gentils, les barytons campent des personnages méchants, diables ou voyous. En 2009, Bryn Terfel enregistre un disque, intitulé « Bad boys », consacré à quelques-uns de ces mauvais garçons.
Il y a six ans, en 2017, il a été anobli par la reine Elisabeth II, après avoir déjà reçu la médaille de musique de la reine, puis été élevé au grade de commandeur de l’Empire britannique. Bryn Terfel se voit aussi comme un ambassadeur de la musique galloise et a créé sa propre fondation pour aider les jeunes chanteurs à l’orée de leur carrière.
Laure Dautriche,
musicologue et journaliste
À VOIR ET ÉCOUTER
Récital Bryn Terfel
Orchestre de l’Opéra Royal
Laurent Campellone, direction
Sous le haut patronage d’Aline Foriel-Destezet
Le samedi 17 juin, à 19 h
OPÉRA ROYAL