magazine du château de versailles

Âpres recherches et divines surprises

C’est l’exercice laborieux de la recherche, avec un soupçon de chance, qui permet, de temps à autre, de sortir des documents exceptionnels de l’oubli. Ainsi d’une garde-robe complète de Marie-Antoinette, retrouvée au détour d’une investigation sur les caves à vin.

Marie-Antoinette en tenue de chasse, par Joseph Krantzinger, 1771, détail. Palais de Schönbrunn © Droits réservés

La recherche et les découvertes qui en découlent, si elles demandent beaucoup d’efforts, relèvent parfois d’heureux hasards. En voulant rendre service à l’un de ses anciens professeurs qui étudiait les caves à vin, Mathieu da Vinha, directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles, a fait une jolie découverte. Il avait promis de parcourir, à la recherche d’éventuelles caves, les quelques centaines d’actes qu’il avait eu l’occasion de photographier lors de ses séances d’étude aux Archives nationales.
S’attardant sur l’inventaire après décès de la duchesse de Villars, dame d’atours de la Dauphine, quelle ne fut sa surprise de lire, au folio 58 : « Suivent les objets des garde-robes de feue Sa Majesté la Reine et de Madame la Dauphine, qui dépendent de ladite succession, dans les différents endroits dépendant de la garde-robe de Madame la Dauphine » ! L’étude d’un document, conservé dans le minutier des notaires de Versailles, aussi riche que passionnant était lancée…

Extrait de l’inventaire de la garde-robe de Marie-Antoinette, 1771 © Mathieu da Vinha

Une aiguille dans une botte de foin

La découverte d’un nouveau texte a toujours quelque chose d’excitant. « Tout d’abord, on ne veut pas y croire et on s’interroge sur le bien-fondé de celle-ci. Le document dort-il réellement depuis sa rédaction ? A-t-il un intérêt historique ? » raconte Mathieu da Vinha. C’est ainsi que sont récompensées de nombreuses heures de recherches, pas toujours aussi fructueuses, et parfois même bien ingrates. Il y a longtemps que ces grandes institutions que sont les Archives nationales, départementales et autres bibliothèques nationales ou municipales se sont modernisées.

 

 

La révolution numérique est aussi passée par là, facilitant grandement le travail. Internet ne fait cependant pas tout, et le contact direct avec les documents réserve encore bien des surprises. D’où le plaisir du chercheur en quête de ce qui peut apparaître comme une aiguille dans une botte de foin : « C’est ce qui m’anime depuis plusieurs années lorsque j’épluche les différents inventaires des notaires des XVIIe et XVIIIe siècles, à la recherche des personnages de la cour de France, grands et moins grands, c’est-à-dire l’essence même du courtisan. »

On pourrait se laisser rebuter par pareille tâche, sachant que, par exemple, le minutier central des notaires de Paris contient plusieurs millions d’actes… et que, lorsqu’ils sont répertoriés, les intitulés devant en refléter le contenu ne sont pas toujours explicites. Néanmoins, ce minutier, qui réunit 122 études de notaires sous l’Ancien Régime, s’impose comme le vivier le plus important pour comprendre la société qui entourait les souverains tout en suivant ces derniers dans leurs déplacements à Saint-Germain, Versailles ou Fontainebleau. En effet, l’inventaire après décès d’un serviteur du roi, même mort à Versailles, se trouvait souvent dressé à Paris qui demeurait la véritable capitale du royaume et où les commensaux disposaient de leur résidence principale. Ce minutier n’est néanmoins pas le seul. Tous les dépôts d’archives, on le sait, regorgent de trésors insoupçonnés. C’est le cas notamment de celui des Yvelines contenant, entre autres, les études de Versailles où se tenait à l’abri des regards le détail d’une garde-robe de Marie-Antoinette alors qu’elle est encore dauphine.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n° 13 (avril – septembre 2018).

Marie-Antoinette en tenue de chasse, par Joseph Krantzinger, 1771. Pastel conservé au palais de Schönbrunn dans le salon de l’impératrice.
Le costume porté ici par la dauphine peut être rapproché de l’item n°125 (« un autre habit, une veste et une jupe aussi pour monter à cheval, de ratine écarlate à tresse et brandebourg en or ») et de l’item n°133 (l’un des « deux chapeaux de castor à bords d’or dont un garni de plumes »).
Palais de Schönbrunn © Droits réservés

 


Dans la garde-robe de Marie-Antoinette dauphine

L’inventaire, en septembre 1771, de la garde-robe de la dauphine s’élève à 291 items, majoritairement des habits (63 grands habits ; 75 robes de chambre ; 25 robes ; 4 habits pour monter à cheval ou encore 11 caracos), mais aussi des aunes de tissus ou autres linges, et enfin quelques pièces de mobilier. Malgré son statut hétéroclite, cet état s’avère fort intéressant dans la mesure où la description d’une garde-robe royale française des XVIIe et XVIIIe siècles, précisant les types d’habits et d’objets (c’est-à-dire le produit totalement confectionné et assemblé), demeure assez rare.
Enfin, et ce n’est pas là le moindre intérêt, Marie-Antoinette, âgée d’à peine seize ans, n’étant que simple dauphine et n’intervenant donc pas dans le choix de sa garde-robe, cet inventaire permet également de se renseigner sur l’histoire de la mode et du goût à la fin du règne de Louis XV. En effet, la longue description de ces vêtements, aux noms parfois mystérieux et poétiques, permet au lecteur d’en imaginer toute la splendeur dont seuls les tableaux et gravures, les récits magnifiés des mémorialistes contemporains et les rares échantillons parvenus jusqu’à nous peuvent encore témoigner.

 

VIENT DE PARAÎTRE

Mathieu da Vinha, Dans la garde-robe de Marie-Antoinette, Paris/Versailles, éd. Réunion des musées nationaux et château de Versailles, mai 2018, 14,5 x 21,7 cm, 24,90 €.

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