Pour suivre les travaux dans le Château, Louis-Philippe choisit, en 1835, de loger au Grand Trianon, où l’accompagnait parfois sa famille. Il y fit faire des aménagements dont une partie peut être aujourd’hui rétablie grâce à la restitution de certains espaces, auparavant réservés au ministère des Affaires étrangères.
Pourquoi, alors qu’il projetait de transformer le château de Versailles en musée d’histoire de France, Louis-Philippe a-t-il décidé de s’installer, avec sa famille, au Grand Trianon ?
Jérémie Benoît : Pour de simples raisons de commodité. Louis-Philippe souhaitait, en effet, veiller au plus près sur le vaste projet qui allait être mené par l’architecte Frédéric Nepveu. Or le Grand Trianon avait été entièrement réaménagé par Napoléon pour son épouse, en 1810, et rien n’avait bougé depuis. Il était facile de s’y réinstaller, moyennant quelques reprises de décor. Pour pouvoir travailler, le roi a fait créer un nouvel appartement à l’emplacement des anciennes cuisines, mais sa famille et son entourage proche ont occupé, en guise de résidence de campagne, des pièces déjà existantes et meublées.
Une famille nombreuse : son épouse, Marie-Amélie, sa sœur, Adélaïde d’Orléans, ses cinq garçons, ses trois filles, auxquels s’ajoutaient les intimes…
J.B : Chacun dans des parties différentes du Château, dont certaines ont disparu, comme l’appartement de ses fils dans l’aile de Trianon-sous-Bois dont nous proposons désormais une évocation grâce à quelques pièces de mobilier, exceptionnelles, qui l’agrémentaient. À travers cette opération de remeublement, et les recherches que celle-ci a nécessitées, sont apparus des personnages que l’on n’avait pas repérés auparavant à Versailles tels le baron Camille Fain, le comte de Montalivet ou certaines dames d’honneur de la Reine. Ainsi s’est dessinée peu à peu la dernière Cour de l’histoire du Château.
Qu’ont apporté ces aménagements de Louis-Philippe par rapport à ceux de Napoléon ?
J.B : Les appartements existants ont été mis au goût du jour à travers de somptueuses soieries et des meubles contemporains conçus, notamment, par les ébénistes Alphonse Jacob Desmalter et Louis-Édouard Lemarchand. Ces objets correspondent à une période où la société se démocratise et se préoccupe de son hygiène et, plus globalement, de son bien-être. Le « roi bourgeois », qui se rend au Grand Trianon pour travailler, commande un mobilier beaucoup plus simple que celui de ses prédécesseurs et plus douillet, souvent inspiré de l’Angleterre. Ce n’est pas un hasard si l’une des plus jolies pièces présentées est une chaise dite « confortable », munie de roulettes et d’une poignée facilitant ses déplacements !
Et que va donc découvrir le visiteur ?
J.B : Il va pouvoir contempler un mobilier longtemps ignoré, pris entre le faste de l’Empire et le style Napoléon III, très marqué. Les meubles Empire réemployés, les objets néo-gothiques, néo-Renaissance ou néo-Louis XV reflètent l’éclectisme des goûts de Louis-Philippe et, de manière plus générale, du XIXe siècle. Les chaises d’appoint noir et or qui annoncent déjà, en 1839, le mobilier Napoléon III, sont associées, dans le grand salon de famille, à des guéridons inspirés de la Chine, tout comme le sont aussi les objets néo-Boulle de la chambre de la reine des Belges. Sans parler de la percale glacée des tentures, des rideaux et des sièges de la chambre cabinet de travail du roi, dans un esprit plutôt romantique : Louis-Philippe trouvait-il, dans ce décor de bouquets de fleurs qui nous paraît aujourd’hui plutôt féminin, la sérénité dont il avait besoin pour se concentrer ?
Propos recueillis par Lucie Nicolas-Vullierme
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n° 14 (octobre 2018 – mars 2019).
À SUIVRE
La visite guidée « Louis-Philippe et sa famille à Trianon »
À 14 h 15 : le 26 avril ; 9, 12, 28 et 31 mai ; 14, 16 et 20 juin ; 5, 17 et 25 juillet ; 1er, 9 et 21 août ; 1er et 17 septembre.
Réservation obligatoire, par téléphone au 01 30 83 78 00, en ligne sur chateauversailles.fr ou sur place le jour-même (dans la limite des places disponibles).