magazine du château de versailles

Dodin,
peindre sur porcelaine

Exposée à partir du 16 mai dans l’appartement de Madame de Maintenon, l’œuvre de Charles Nicolas Dodin (1734-1803), peintre sur porcelaine,
se distingue par une touche picturale exceptionnelle,
comparable à celle d’un grand peintre de chevalet.

Vase pot-pourri « à jour », par Charles Nicolas Dodin, collection particulière. EPV / Jean-Marc Manaï

Charles Nicolas Dodin, né à deux pas du château de Versailles, rue de Satory, est entré à la manufacture royale de porcelaine en avril 1754. A priori, rien dans son milieu familial ne le prédisposait à intégrer la manufacture, créée à Vincennes en 1740 et transférée à Sèvres en 1756. Son père était épicier. Lui-même avait étudié le génie militaire. Il fut cependant engagé à Vincennes comme peintre de figures, un genre qui se situait alors au sommet de la hiérarchie et se trouvait confié aux meilleurs artistes. Très tôt, les œuvres de Dodin ont figuré dans les collections royales et chez les plus grands amateurs français. Certaines pièces ont aussi rejoint les collections des princes étrangers, bénéficiaires des somptueux cadeaux diplomatiques des souverains français, comme le roi Christian VII de Danemark ou le duc de Saxe-Teschen

La multiplicité des sources auxquelles le peintre a puisé illustre l’évolution du goût de son temps. Les premières œuvres, peintes entre 1754 et 1757 sur des pièces de forme rocaille, comportent essentiellement des enfants et des amours d’après le peintre François Boucher. La douceur du trait et l’éclat de la palette témoignent de la précocité du don de l’artiste.

Plaque représentant l’Allégorie du mariage du comte d’Artois (détail), par Charles Nicolas Dodin. Genève, collection Dimitri Mavrommatis. © EPV / Jean-Marc Manaï

De 1758 à 1761, Dodin fut attiré par les sujets flamands. Cette inspiration reflétait l’attirance des grands collectionneurs du temps pour les écoles du Nord. De 1760 à 1763, l’artiste exécuta, essentiellement pour Louis XV et Madame de Pompadour, des décors chinois, inspirés à la fois par les chinoiseries de Boucher et par des sources orientales originales. Ces scènes chinoises furent presque toutes peintes sur des vases aux formes exceptionnelles, dues à Jean-Claude Duplessis.

 

Vase “bouc à raisins” à fond vert, par Charles Nicolas Dodin, 1770, Manufacture de Sèvres. © EPV / Jean-Marc Manaï La scène galante dérive d’une gravure de Jacques Firmin Beauvarlet exécutée en 1760 d’après La Bascule de Jean Honoré Fragonard.

Enfin, à partir de 1760, Dodin peignit des scènes de genre ou des sujets extraits de l’Antiquité d’après les plus grands maîtres de son siècle : Watteau, Oudry, Carle van Loo, Boucher, Drouais, Greuze, Fragonard…Dodin fut le premier artiste de Sèvres à peindre, dès 1760, des plaques de porcelaine tendre, destinées à être accrochées au mur comme des tableaux de chevalet, puis des plaques insérées dans des pièces de mobilier par les plus grands ébénistes, notamment Martin Carlin (1730-1785) et destinées à de grands amateurs comme Madame du Barry.

La fin de la carrière de l’artiste correspond à la période tourmentée de la Révolution française. Les grands commanditaires vinrent à manquer et l’établissement faillit ne jamais s’en remettre. On doit cependant à Dodin, durant cette époque troublée, de beaux décors mythologiques peints d’après Lagrenée, et des allégories républicaines, sans doute imposées. En juin 1792, l’artiste travaillait encore au décor du grand service mythologique de Louis XVI, commencé en 1783.

Marie-Laure de Rochebrune,
Conservateur au château de Versailles et commissaire de l’exposition.

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°1 (mai-septembre 2012).


EXPOSITION

Splendeur de la peinture sur porcelaine. Charles Nicolas Dodin et la manufacture de Vincennes-Sèvres au XVIIIe siècle
du 16 mai au 9 septembre 2012

Château, appartement de Madame de Maintenon, loggia de l’escalier de la Reine et salle des Gardes du Roi.

De 9 h à 18 h 30


À LIRE :

Catalogue de l’exposition, Éditions Artlys (sous la direction de Marie-Laure de Rochebrune), 240 p., broché, 40 €

mot-clés

partagez

à lire également