magazine du château de versailles

Les Chantres de Lully

Dans le somptueux cadre historique de l’Opéra royal, les voix de jeunes adultes des Chantres redonnent vie au chœur d’Armide, dernier opéra
de Jean-Baptiste Lully et de Philippe Quinault.
Entretien avec Olivier Schneebeli, directeur musical
de la Maîtrise du Centre de musique baroque de Versailles.

Les chantres du centre de musique baroque de Versailles à la Chapelle royale. © J. Postel – CMBV

Armide (1686) met en scène le destin tragique de la magicienne Armide amoureuse du chevalier Renaud. À l’occasion de cette recréation unique, Olivier Schneebeli livre son sentiment sur l’œuvre du tandem Lully – Quinault et sur la création, il y a vingt ans, de l’ensemble vocal qu’il dirige.

Olivier Schneebeli © Gérard Uféras

L’opéra Armide, de Lully et Quinault, est considéré comme un chef-d’œuvre. Pourquoi ?

C’est un sommet poétique et musical que je mets sur le même plan que les chefs-d’œuvre de Racine ou de Corneille. Chaque air est déchirant, la construction est parfaite. Bien que née dans la période baroque, Armide est une œuvre classique au sens où elle marque l’apogée de la tragédie lyrique telle que l’ont inventée Lully et Quinault. C’est aussi l’adieu de Louis XIV à l’opéra. Au tournant de son règne, le roi se dirige vers la musique sacrée. La tragédie lyrique évolue alors vers le divertissement, bien loin des opéras de Lully qui sont, pour moi, sa vraie musique sacrée. Au dernier acte, la grande Passacaille, une musique de danse qui se développe sur un motif répétitif de « basse obstinée » – un même thème de basse tout au long du morceau –, est une géniale traduction de la fuite du temps.

Vue de Salle de Bal ou bosquet des Rocailles dans les jardins de Versailles : Armide couronnant Renaud de fleurs [détail], par Jean Cotelle, le Jeune. © RMN-GP (château de Versailles)/Daniel Arnaudet

Dans Armide, quel est le rôle du chœur ?

Le projet de Lully et Quinault était de retrouver l’âme de la tragédie antique. D’où le rôle puissant confié au chœur. Dans l’opéra italien du XVIIe siècle, dont Lully a voulu se démarquer, les chœurs sont des parties chantées par le rassemblement des protagonistes. Dans Armide, au contraire, le chœur est un acteur musical à part entière. À travers lui, c’est le destin qui parle. Il donne à chaque acte sa couleur dramatique.

Le Centre de musique baroque de Versailles fête les 20 ans de sa maîtrise. Qu’avez-vous acquis au cours de toutes ces années de travail ?

En arrivant au Centre, j’avais dit qu’il nous faudrait une dizaine d’années pour arriver au niveau des meilleures maîtrises allemandes. Malgré le renouvellement constant de nos effectifs, il s’est créé une mémoire collective par laquelle se transmet notre pratique. Nous avons beaucoup réfléchi sur la pédagogie. Les enfants, comme les jeunes adultes, ont besoin d’échéances pour progresser. C’est ce que nous faisons avec les concerts, les tournées et, chaque semaine, les Jeudis musicaux du château de Versailles. C’est une grande satisfaction que de voir naître des artistes au quotidien, que de sentir des enfants mener une scolarité heureuse. Nous avons la chance de vivre une expérience de troupe où chacun trouve sa place. Cette maîtrise est une école de musique certes, mais aussi une merveilleuse école de vie.

Propos recueillis par la rédaction

Les chantres du centre de musique baroque de Versailles à la Chapelle royale. © J. Postel – CMBV


D’où viennent les Chantres ?

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la formation des jeunes musiciens se faisait au sein des maîtrises. L’enfant, quel que soit son instrument, y apprenait avant tout à dominer sa voix, grâce à une pratique quotidienne du chant et des auditions publiques fréquentes. C’est ce patrimoine pédagogique et musical que le Centre de musique baroque de Versailles restitue et conserve aujourd’hui à travers son école maîtrisienne des Pages & des Chantres.


L’OPÉRA :

Distribution : Peggy Kriha Dye Soprano / Armide ; Colin Ainsworth Ténor / Renaud ; Les Chantres du CMBV
Chef de cœur : Olivier Schneebeli
Production : Opéra Atelier Toronto / Tafelmusil Baroque Orchestra
Direction : David Fallis
Mise en scène : Marshall Pynkoski
Chorégraphie : Jeanette Lajeunesse Zing

Avec le soutien du Conseil des arts de l’Ontario / Ontario Art Council.

Une programmation de Château de Versailles Spectacles.

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