magazine du château de versailles

240 chandelles

Le 18 novembre 1777, Louis XVI et Marie-Antoinette
inauguraient la nouvelle Comédie de la ville de Versailles édifiée
en un temps record par sa talentueuse directrice, la Montansier.
Histoire de ce théâtre à travers ceux qui ont fait sa célébrité.
Extraits.

La salle du théâtre Montansier. © Ville de Versailles

Sous le règne de Louis XIV, il n’existe pas dans la ville de Versailles de théâtre permanent permettant d’accueillir des spectacles. La première salle est ouverte en 1751 par l’auteur André- Guillaume Contant d’Orville au 31 de la rue Saint-Honoré, non loin de la cathédrale alors en construction. Cinq ans plus tard, en 1756, deux associés, Charles Fleury et Laurent Génisson-Le Comte, font construire une salle plus importante au 3, rue Royale par l’architecte du roi Louis Le Dreux de la Châtre. Les deux associés parviennent à obtenir un brevet du roi leur accordant un privilège exclusif de théâtre à Versailles et confient la gestion de la salle à des directeurs successifs. En juillet 1768, une nouvelle directrice obtient la location de la salle : Marguerite Brunet dite la Montansier.

Portrait de Mademoiselle Montansier (1730-1820), par André Chénier (1762-1794). © Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF)

La grande époque de la Montansier
Née à Bayonne en 1730, Marguerite Brunet commence sa carrière parisienne dans le monde de la mode puis de la galanterie. Après une liaison avec l’intendant des îles de la Martinique […], elle ouvre son salon parisien à toute la haute société de l’époque qui peut y profiter des plaisirs de la conversation, de la table et de l’alcôve. En 1763, mettant fin à ses activités galantes, elle se lance dans une carrière théâtrale dans laquelle elle fait très vite preuve d’un sens des affaires hors du commun. Grâce à son talent, elle acquiert ainsi bientôt le privilège d’exploiter les théâtres d’Orléans, Angers, Saumur, Le Mans, Rouen, Caen, Amiens, Alençon, Nantes, Lorient, Rennes ou encore Le Havre. En 1768, elle obtient la location de la salle de la rue Royale à Versailles ainsi que le titre et la charge de « directrice des spectacles à la suite de la Cour », lui accordant le privilège exclusif de donner des spectacles dans les villes où la Cour est de passage, principalement à Versailles, Compiègne, Fontainebleau, Marly ou Saint-Cloud. Sa programmation remporte très vite un vif succès et le public se presse rue Royale […].
Cinq ans plus tard, […] elle décide de se faire construire un nouveau théâtre, plus grand et plus central, dont elle serait à la fois propriétaire et directrice. Elle sollicite l’aide de la nouvelle favorite de Louis XV, la comtesse du Barry, qui accepte de soutenir son projet. Il faudra néanmoins attendre quatre ans et cinq projets successifs avortés avant que le théâtre puisse voir le jour. La mort de Louis XV en 1774 la prive du soutien de Madame du Barry. La Montansier se tourne alors vers la nouvelle reine, Marie-Antoinette, qui fréquente assidûment la salle de la rue Royale, afin de solliciter son soutien. Grâce à l’aide de Marc-Antoine Thierry, premier valet de chambre du Roi, elle parvient à acquérir le terrain dit des « chiens verts » […] à la condition que la nouvelle salle de théâtre qu’elle souhaite édifier soit ouverte au plus tard le 1er janvier 1778 […].

« Le succès est au rendez-vous dès l’inauguration grâce au talent de la Montansier qui excelle à déceler les futurs talents et à présenter un répertoire des plus variés que l’on vient même découvrir de Paris. »

Le théâtre est finalement inauguré le 18 novembre 1777 avec trois mois d’avance sur le délai imparti. Le soir de l’inauguration, les spectateurs découvrent le nouveau bâtiment érigé par le machiniste de l’Opéra royal Boullet sur des plans de l’architecte Jean-François Heurtier. […] Depuis leur loge d’avant-scène, accessible directement depuis le Château grâce à un couloir longeant les réservoirs, le Roi et la Reine peuvent apercevoir le rideau de scène du peintre Canot qui permet de découvrir en trompe-l’œil le bassin de Neptune. Le succès est au rendez-vous dès l’inauguration grâce au talent de la Montansier qui excelle à déceler les futurs talents et à présenter un répertoire des plus variés que l’on vient même découvrir de Paris.

Le théâtre au XIXe siècle
Plus de quarante ans après son inauguration, le théâtre de Versailles connaît alors ses premières réfections. […] Sous la monarchie de Juillet, la ville de Versailles achète le théâtre, après autorisation du roi Louis- Philippe, pour la somme de 158 400 francs […]. À la veille du Second Empire, en 1851, a lieu une seconde grande restauration du théâtre […].

Le théâtre devient « Théâtre Montansier »
En 1936, […] le conseil municipal décide de rendre hommage à la première directrice du théâtre en le rebaptisant « Théâtre Montansier ». La même année, une troisième grande rénovation est entreprise afin de redonner à la salle l’aspect qu’elle pouvait avoir au XVIIIe siècle […]. De 1943 à 1961, la ville décide de gérer seule le théâtre et loue la salle à des troupes de passage. C’est à cette époque que se produisent, sur la scène de Montansier, Jean Desailly, Marie Bell, Jean-Louis Barrault, Jean Vilar ou bien encore Danielle Darrieux et Bernard Blier qui y tournent en 1951 une scène de La Maison Bonnadieu […].

La renaissance du théâtre avec Marcelle Tassencourt
Après avoir travaillé pendant dix ans au théâtre Hébertot, Marcelle Tassencourt s’est particulièrement rendue célèbre par sa mise en scène du Dialogue des Carmélites, de Bernanos […]. Avec son mari, l’auteur, dramaturge, journaliste et académicien Thierry Maulnier, elle reste trente ans à la tête du théâtre Montansier et réussit brillamment à lui redonner un nouveau souffle.

Photographies de L’Apothicaire, prises en 1963 par Roger Pic, au théâtre Montansier. Mise en scène de Marcelle Tassencourt et Jean-Pierre Martino. © Paris, Bibliothèque nationale de France (BnF)

[…] En 1992, Francis Perrin […] succède à la talentueuse directrice à la tête du théâtre Montansier. Les débuts de sa direction sont marqués par la nécessité de faire d’importants travaux car des sondages révèlent que la salle risque de s’effondrer et, avec elle, tout le théâtre. Une campagne de rénovation a lieu de 1992 à 1993 durant laquelle on redécouvre, en décollant plusieurs papiers peints superposés, les restes de la plus ancienne décoration des balcons auxquels on rend leur décor d’origine. […] Inscrit au titre des Monuments historiques depuis 1991, le théâtre Montansier demeure aujourd’hui l’un des plus anciens théâtres à l’italienne conservés en France. À ce titre, il fait partie depuis le 27 mars 2017 de la Route des théâtres historiques de France tout comme l’Opéra Garnier, le Grand Théâtre de Bordeaux ou le Théâtre Impérial du château de Fontainebleau.

Pierre-Hippolyte Pénet,
Conservateur du patrimoine au Palais des Ducs de Lorraine – Musée Lorrain et commissaire de l’exposition

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°12 (octobre 2017 – mars 2018).


La revue Château de Versailles

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro 27 de la revue Château de Versailles (octobre décembre 2017).
La revue est disponible en kiosque et sur la boutique en ligne du Château


Information pratique

Une exposition retrace l’histoire de ce théâtre célèbre aux Archives communales de Versailles : « Le Montansier, Un théâtre pour Versailles »
1, avenue de Paris à Versailles.
Jusqu’au 2 décembre, du mardi au samedi de 14 h à 18 h.
Entrée libre.

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