Déjà, au XVIIe siècle, se régalait-on de poire pochée. Cuit ou cru,
le fruit oblong aux couleurs variées enchantait les gourmets,
tout particulièrement Louis XIV.
Sa culture en espalier, à l’abri d’un clos, conférait à la poire une noblesse propre à séduire alors les élites. À cela s’ajoute le fait de pouvoir la produire presque tout au long de l’année, assurant sa réputation au jardin comme sur table1. « Une bonne poire y étant toujours à préférer à une pomme », affirme Jean-Baptiste de La Quintinie, en 1690, dans son traité de jardinage2 où il dresse un catalogue des poires. Sans nul doute, sa préférée est la poire dite « Bon-Chrétien ». Le créateur du Potager du Roi à Versailles en trace un historique car « quoiqu’apparemment tous les fruits aient été créés un même jour, ils n’ont pas été tous connus en même temps, les uns l’ont été plus tôt, les autres plus tard ; cette poire a été des premières à se faire connaître ; les grandes monarchies, et surtout l’ancienne Rome l’a connue, et cultivée », écrit-il. Selon lui, la poire est, parmi les fruits à pépins, ce que la nature donne de plus beau à voir, par sa forme longue et pyramidale et par sa grosseur surprenante autant que par son coloris. Grâce à sa longue maturation, la poire « donne le plus longtemps du plaisir, tant sur l’arbre où elle demeure en augmentant à vue d’œil depuis le mois de mai jusqu’à la fin d’octobre, que dans la serre, où se conservant aisément des quatre et cinq mois de suite (sic), elle réjouit tous les jours le curieux qui la veut regarder, tout de même que la vue d’un bijou, ou d’un trésor réjouit le maître qui en est le possesseur ». C’est sur la table, néanmoins, qu’elle fait le plus d’honneur, présent inestimable envoyé parfois très loin.
Star du livre d’office
Au XVIIe siècle, le livre d’office, qui regroupe les préparations culinaires faites à l’office (lieu plus frais et sec) et non en cuisine, connaît alors un essor décisif sous le titre de Confiturier. Un succès qui tient au développement de l’horticulture et des variétés cultivées, à une sensibilité nouvelle au goût du fruit et à l’usage du sucre, produit issu de l’expansion coloniale. L’ouvrage de Massialot3 distingue, tour à tour, les confitures, les liqueurs et les fruits pour lesquels il précise « ce qu’on sert de plus à la mode dans les repas » : s’y distinguent les poires d’été et d’hiver dont le nombre de variétés « est si grand qu’il faut les connaître selon les saisons » pour les servir aussi bien crues que cuites.
Jean Herman Knoop, dans Fructologie4, indique, en 1771, que les poires cuites sont considérées comme meilleures pour la santé – le poiré y est considéré plus doux et délicat que le cidre – et distingue les différentes sortes de poires selon les saisons. Il les classe en fonction de la chair, dite « beurrée » ou « fondante », ou « cassante », dont la chair est plus ou moins dure et craquante. Enfin sont différenciées les poires de table, savoureuses à manger crues, et les poires à étuver ou à rôtir, qui, encore dures à maturité, sont meilleures cuites.
Corinne Thépaut-Cabasset,
historienne des relations internationales à la Direction du développement culturel du château de Versailles
1 Florent Quellier, Des fruits et des hommes. L’arboriculture fruitière en Île-de-France (vers 1600-vers 1800), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2003.
2 Jean de La Quintinie, Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, vol. I, Paris, chez Claude Barbin, 1690.
3 François Massialot, Nouvelle instruction pour les confitures, les liqueurs, et les fruits, Paris, 1692, nouvelle édition de 1715.
4 Jean Hermann Knoop, Fructologie ou Description des arbres fruitiers ; ainsi que des fruits que l’on plante et qu’on cultive ordinairement dans les jardins, Amsterdam, M. Magerus, 1771.
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°25 (octobre 2024 – mars 2025).