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De l’enfance au pastel I

Deux magnifiques portraits d’enfants royaux, par deux artistes dont les noms ont marqué l’histoire du pastel, viennent de faire leur entrée dans les collections d’arts graphiques de Versailles.
Le premier, peint par Simon Vouet, représente la petite duchesse
de Montpensier à l’âge de sept ou huit ans.

Portrait de Anne-Marie-Louise d’Orléans (1627-1693), Mademoiselle de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle en buste [détail], par Simon Vouet, vers 1635, pierre noire, pastel sur papier brun, 27,7 × 20,8 cm, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © EPV / Christophe Fouin

Cette petite fille est issue de l’union de Gaston d’Orléans et de sa première épouse, Marie de Bourbon-Montpensier, morte en couches à sa naissance. Anne-Marie-Louise d’Orléans (1627-1693) hérita donc de ses titres et de sa fortune. Dans ses Mémoires, elle évoque l’affection qui la liait à Louis XIII et Anne d’Autriche : la reine voulut même, au début de sa grossesse en décembre 1637, que la jeune princesse s’installe à Fontainebleau jusqu’à la naissance du futur Louis XIV dont elle a été ensuite la compagne de jeu. La jeune duchesse de Montpensier aurait même souhaité épouser ce cousin, pourtant de dix ans son cadet ! Néanmoins, à l’époque de la Fronde, ayant pris le parti de son autre cousin, le prince de Condé, elle fit tirer sur les troupes royales en juillet 1652, et fut exilée à Saint-Fargeau.

Portait d’Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier. Gravure réalisée par Pierre Daret entre 1652 et 1660. © Château de Versailles

Son portrait par elle-même
Elle se décrit ainsi, au physique et au moral, à l’âge de trente ans : « Je suis grande, ni grasse ni maigre, d’une taille fort belle et fort aisée. J’ai bonne mine, la gorge assez bien faite, les mains et les bras pas beaux, mais la peau belle, ainsi que la gorge […] mes cheveux sont blonds et d’un beau cendré ; mon visage est long, le tour en est beau ; le nez grand et aquilin ; la bouche ni grande ni petite, mais façonnée et d’une manière fort agréable ; les lèvres vermeillées […] ; mes yeux sont bleus, ni grands ni petits, mais brillants, doux et fiers comme ma mine. J’ai l’air haut, sans l’avoir glorieux. Je suis civile et familière […]. Je suis la personne du monde la plus secrète, et rien n’égale la fidélité et les égards que j’ai pour mes amis […]. Je suis mélancolique […]. Je me sens fort brave, j’ai beaucoup de courage et d’ambition. »

Une orpheline à l’air mélancolique
Ce n’est pas la Grande Mademoiselle, la frondeuse, que Simon Vouet (1590-1649) représente ici, mais l’orpheline de huit ans, blonde, aux yeux bleus, à l’air un peu mélancolique. Le soin porté au modelé et aux coloris donne une présence particulière à ce visage enfantin, à la fois charmant et sérieux. Grâce à la technique rapide du pastel, Vouet parvient à saisir et restituer un état psychologique et à créer un lien direct entre le modèle et le spectateur. Le dessin à la sanguine de plusieurs teintes, pierre noire et craie, simplement rehaussé de quelques touches de pastel pour certaines couleurs – le bleu des yeux, le rouge de la bouche et des fleurs –, est à la fois assuré, simple et léger.

« Grâce à la technique rapide du pastel, Vouet parvient à saisir et restituer un état psychologique et à créer un lien direct entre le modèle et le spectateur. »

Le talent de Simon Vouet comme portraitiste est connu ; ses portraits au pastel, réalisés à partir des années 1630 à la demande Louis XIII, le sont un peu moins. Ils forment un ensemble remarquable, comme en témoigne celui du roi lui-même, ou celui, spectaculaire, du cardinal Mazarin conservé au musée du Louvre. Cette petite duchesse de Montpensier qui vient rejoindre les collections de Versailles en est une magnifique illustration.

Élisabeth Maisonnier,
conservateur en chef au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°25 (octobre 2024 – mars 2025).

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