magazine du château de versailles

Un serment
en deux temps I

La salle du Jeu de Paume, à Versailles, est désormais accessible au public tous les jours (sauf le lundi).  C’est notamment l’occasion d’apprécier la grande toile illustrant ce qui fit sa gloire : le célèbre serment du 20 juin 1789. Cette œuvre monumentale d’Olivier Merson s’inspire d’un projet de David dont l’ébauche est conservée au château de Versailles.
De David à Merson, histoire d’une œuvre à quatre mains.

Ébauche du Serment du Jeu de Paume, 20 juin 1789, par Jacques-Louis David, 1791-1792, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux

L’histoire de la toile débute en octobre 1790. Jacques-Louis David (1748-1825),  célèbre depuis son prix de Rome (1774) et son premier grand succès avec Le Serment des Horaces (1785), propose que la salle du Jeu de Paume soit à jamais « voué[e] au silence et que la scène du serment fasse le sujet d’un tableau de vingt pieds de hauteur sur trente de large, et dont la société fera hommage à l’Assemblée nationale, pour orner le lieu des séances ». Une souscription est ouverte en janvier 1791 pour financer le projet.

Études pour le Serment du Jeu de Paume, par Jacques-Louis David, 1790-1791, Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. © RMN-GP (Château de Versailles) / Droits réservés

Le travail préparatoire de David

L’artiste commence par un important travail de documentation. Il reprend de nombreux motifs issus de l’Antiquité et de la peinture d’histoire, et  ancre ainsi la scène dans une tradition classique qui l’ennoblit.
David achève rapidement le dessin d’ensemble qui fixe la composition finale. Exécuté dans un camaïeu de bruns, ce travail préparatoire (66 x 101 cm) est exposé en 1791, d’abord dans l’atelier de l’artiste, au Louvre, puis au Salon, où il est présenté sous Le Serment des Horaces dont il forme, en quelque sorte, un pendant.

L’œuvre est appréciée, même si certains lui reprochent son caractère républicain.

Appel aux députés

David profite du Salon pour faire appel aux députés dans les journaux. Il les invite à venir poser dans son atelier afin que leurs portraits puissent être ensuite intégrés à sa grande composition :

« M. David prie MM. les députés qui se seront trouvés à Versailles au Serment du Jeu de Paume dont il n’a pu peindre la figure, de bien vouloir lui envoyer leurs portraits gravés, à moins qu’ils ne fassent un voyage à Paris dans l’espace de temps qu’il sera à faire son tableau, qu’il présume être de deux années. Dans ce cas, ils auraient la bonté de venir le trouver à son atelier aux Feuillants.1»

Détail de l’ébauche de David, avec les premiers visages reportés sur la toile. De gauche à droite et de haut en bas : Dubois-Crancé et Barnave, puis le père Gérard et Mirabeau. © RMN-GP (Château de Versailles) / © Franck Raux

Pendant ce temps, les assistants du peintre préparent la toile gigantesque qui accueillera l’œuvre finale. David dessine ses personnages nus : une méthode académique qui lui permet de leur donner une consistance corporelle avant de peindre leurs vêtements. Les premiers portraits sont reportés sur la toile : ceux de Mirabeau, de Dubois-Crancé, du père Gérard et de Barnave.

Un projet compromis par les remous de la Révolution

Les mois passent et la souscription lancée ne rencontre pas le succès espéré ; l’histoire va plus vite que le travail du peintre ; la réalisation de la toile est compromise, malgré les tentatives de plusieurs députés pour obtenir un financement public de l’œuvre. David abandonne son projet,  et se consacre à d’autres tableaux, très célèbres aujourd’hui.
La toile ébauchée reste un temps dans l’atelier de David avant que celui-ci ne la dépose en 1803, roulée, au Louvre. Peu de temps après sa mort, en 1825, la toile est découpée en trois morceaux. L’ensemble est acheté en 1836 par le Louvre qui en dépose le fragment principal2 au château de Versailles presqu’un siècle plus tard, en 1921. Cette toile inachevée, fascinante, est présentée depuis 1988 à l’attique Chimay, au second étage du château de Versailles.

Jacques-Louis David n’a donc jamais pu concrétiser son grand projet de peinture commémorant le Serment. Quant à la salle du Jeu de paume, elle est tombée peu à peu dans l’oubli jusqu’à ce que l’approche du centenaire de la Révolution française, au début des années 1880, la remette au goût du jour.

Violaine Solari,
attachée de presse au château de Versailles

1 Dans Le Moniteur du 4 octobre 1791.
2 On ignore ce qu’il est advenu des deux autres parties.

La salle du Jeu de Paume après sa dernière restauration, en 2021. © Château de Versailles, Dist. RMN © Christophe Fouin


À SAVOIR

L’esquisse de David se trouve au dernier étage du château de Versailles, dans l’attique Chimay.
Elle sera accessible au public en visite libre lors de l’ouverture exceptionnelle des galeries de la Révolution, du 21 décembre 2024 au 5 janvier 2025.


À VOIR

La toile de Merson,
dans la salle du Jeu de Paume,
1, rue du Jeu de Paume, à Versailles.

Ouverte du mardi au dimanche de 12h30 à 17h30, sauf certains jours fériés.
Entrée gratuite, sans réservation, en visite libre.

Des visites guidées sont organisées par le château de Versailles, notamment : Versailles et la République et Le Jeu de Paume, de l’esquisse à la salle.
Information et réservation

Des visites guidées sont également possibles sur demande, selon la programmation de l’Office du Tourisme de Versailles.
Information et réservation


mot-clés

partagez

à lire également