Le château de Versailles est investi d’une véritable mission en direction des publics dits « prioritaires ». Ces personnes en situation de handicap, coupées du monde à l’hôpital ou dans d’autres circonstances,
souvent éloignées de la culture, doivent pouvoir avoir accès au musée comme les autres : l’institution leur tend la main, et ce sont environ quatre-vingt mille personnes par an qui en bénéficient aujourd’hui.
Ouverte à toutes et à tous, l’institution muséale s’imagine toujours ainsi, et tente d’entretenir un lien organique avec ses visiteurs, dans le droit fil de la nouvelle définition que l’ICOM donne du musée1. Toutefois, si le château de Versailles parle à tout le monde, il ne résonne pas auprès de chacun de la même façon. Les publics français et étrangers viennent sans appréhension découvrir le palais des rois de France, bien qu’ils n’en connaissent pas toujours l’étendue historique, notamment le musée aménagé sous Louis-Philippe. Ils ont déjà tous en tête des motifs et des références artistiques ou historiques qui les amènent, au nom du beau, jusqu’ici.
Il nous paraît évident qu’il n’en va pas de même pour de nombreux autres publics qui, au-delà des seules considérations économiques, conçoivent l’univers muséal avec une certaine distance. Ils pensent que le beau, tel qu’il est magnifié à Versailles, ne leur est pas accessible, démontrant que les obstacles relèvent le plus souvent du symbolique. C’est ce que nous nous attachons à démystifier en créant toujours plus de liens, notamment avec le concours de relais culturels, au travers des programmations : autant d’expériences sensorielles ou intellectuelles qui procurent du plaisir, tout du moins un sentiment de satisfaction.
Faire connaître l’offre culturelle jusqu’aux plus éloignés du château
Depuis longtemps, nous cherchons à mieux faire connaître la richesse et la diversité des offres du musée sans pouvoir toujours y parvenir, tant l’idée que Versailles est seulement réservé à certains est ancrée dans l’inconscient collectif de toute une frange de la population, parfois un peu en marge des grands courants de la société. C’est, entre autres, grâce à des acteurs bénévoles et par l’intermédiaire de nombreuses associations que nous parvenons à la toucher. Elle découvre alors que le château de Versailles peut lui donner accès, dans et hors les murs, à un large choix de visites guidées, d’animations, d’ateliers découvertes et de pratiques artistiques en lien avec l’histoire et l’histoire de l’art, mais aussi, par exemple, des escape games, jeux d’aventure en grandeur réelle durant lesquels les visiteurs sont invités à résoudre des énigmes conçues à partir de nos collections.
La mythologie, vecteur de découvertes
Au-delà des visites guidées spécifiques, nous avons fréquemment recours, pour ces publics, aux contes et récits légendaires. Cela permet d’évoquer toute la mise en scène du château, en parfaite adéquation avec la logique historique et universaliste de sa création, s’appuyant sur la mythologie qui orne les murs et les plafonds, et anime la statuaire des jardins. Ces histoires sont racontées aux tout-petits, aux étudiants et aux adultes, en famille comme auprès des publics éloignés ou en situation de handicap, dans les bosquets comme dans les diverses salles du musée.
Dans les hôpitaux et dans les prisons
Cette offre s’adresse aussi tout particulièrement aux patients des hôpitaux de la région parisienne. Les soignants en louent les vertus thérapeutiques, notamment auprès des jeunes malades qui apprécient les mallettes pédagogiques offrant la possibilité de voir et toucher des objets en lien avec les collections, et même parfois de porter un costume pour s’essayer à la révérence ! Sans que ce soit le but premier, il y a un vrai enjeu médical au-delà de ce moment récréatif. « Un des enfants, très réfractaire au départ, a été tellement conquis qu’il a demandé que revienne l’éducatrice à son chevet pour profiter d’autres activités : l’atelier “château de Versailles” lui a littéralement ouvert l’appétit ! », affirme une soignante.
« Sans que ce soit le but premier, il y a un vrai enjeu médical au-delà de ce moment récréatif. »
Mêler une réflexion théorique avec des activités manuelles se pratique également dans des centres pénitentiaires. Cette année, des ateliers d’écriture ont été conduits par des auteurs et des médiateurs autour du célèbre tableau Le Serment du Jeu de paume, tremplin d’une réflexion autour des valeurs citoyennes et républicaines.
Pour l’égalité des chances
En s’ouvrant au plus grand nombre, dont les plus démunis et les plus fragiles, notre institution œuvre pour l’égalité des chances, à l’instar de « Versailles florissant », soutenant l’insertion par l’art et la découverte de métiers. Associant jeunes et habitants des quartiers prioritaires des villes des Mureaux et de Plaisir, ce projet, dont le cycle s’est achevé cet été, a conduit à la réalisation collective de trois installations artistiques successives. La dernière, Le Manège végétal, a été exposée à l’orangerie de Jussieu, dans le domaine de Trianon, jusqu’au 26 août dernier. Qu’elles ciblent les jeunes, les familles, les personnes en recherche d’emploi, éloignées des musées ou en situation de handicap, toutes les actions menées affirment l’engagement responsable et les intérêts communs que le château de Versailles veut partager avec tous.
Denis Verdier-Magneau,
directeur du Développement culturel au château de Versailles
1 En 2022, dans le cadre de sa 26e conférence générale, l’ICOM (International Council of Museums) définissait le musée comme : « Une institution permanente, à but non lucratif et au service de la société, qui se consacre à la recherche, la collecte, la conservation, l’interprétation et l’exposition du patrimoine matériel et immatériel. Ouvert au public, accessible et inclusif, il encourage la diversité et la durabilité. Les musées opèrent et communiquent de manière éthique et professionnelle, avec la participation de diverses communautés. Ils offrent à leurs publics des expériences variées d’éducation, de divertissement, de réflexion et de partage de connaissances. »
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°25 (octobre 2024 – mars 2025).
Faire escale à Versailles
Cet été, étaient réunis, au bosquet de la Girandole, les magnifiques clichés de Patrick Berger illustrant la cinquième édition du projet « Escale à Versailles » intitulée « Rêves en mouvement ». Cette exposition est aujourd’hui présentée aux portes de la Normandie, dans le village de marques du groupe McArthurGlen Paris-Giverny, mécène du projet.
Un an de pratique artistique fêtait ainsi l’année olympique sur le thème de la danse. Cette action collective est le fruit d’une dynamique portée par l’association nouvelle du Vivre Ensemble, l’appui du Département des Yvelines et de la CAF, et la participation de plusieurs centres de soins en réseau : ESAT et associations, le foyer de l’Oustal 78, l’ESAT Les Néfliers, l’IME La Rencontre, la Résidence Villa du Cèdre du réseau de l’ADAPEI et le centre pédiatrique Les Côtes. Ce maillage constitue une très belle illustration de l’engagement de l’Établissement à réunir différents collectifs associatifs autour de la réalisation d’un projet artistique et culturel fédérateur au sein du domaine.