magazine du château de versailles

Le labyrinthe parlant

Du 14 septembre 2013 au 31 janvier 2014, la bibliothèque municipale de Versailles propose, dans sa somptueuse galerie Louis XV, une exposition qui emmène le visiteur dans les méandres
de l’ancien bosquet du Labyrinthe.

Le renard et le corbeau, fable 34 tirée du livre « Le Labyrinthe de Versailles » ; estampe de Jacques Bailly (1629-1679) et Sébastien Le Clerc (1637-1714). Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. © Petit Palais / DR

Ne le cherchez pas, il a disparu depuis deux cent trente-huit ans. Fragile et coûteux, le bosquet du Labyrinthe ne ressemblait en rien à ceux qu’on peut voir aujourd’hui dans le Jardin du château. Imaginez un réseau d’allées étroites et de charmilles sinueuses dont les croisements sont ponctués de statues d’animaux en couleur, presque aussi vrais que nature, qui interprètent des scènes de fable et dialoguent en crachant des jets d’eau.

Sous le commissariat d’Élisabeth Maisonnier, l’exposition présente des statues rarement visibles et une collection de documents précieux, textes, plans, gravures, qui permettront à l’imagination du visiteur de se promener dans l’étonnant microcosme baroque qu’était l’ancien bosquet. Ce sera l’occasion, aussi, de faire le point sur le thème du labyrinthe à travers la mythologie (Dédale), la religion (labyrinthes d’églises), la littérature (Fables de La Fontaine, Phèdre de Racine), la peinture et l’art du jardin.

Dessiné et planté par Le Nôtre dès 1664, le bosquet du Labyrinthe occupait l’emplacement de l’actuel bosquet de la Reine. Pendant quelques années, ce n’est qu’un espace de verdure aux allées tortueuses. Puis, de 1671 à 1674, on y aménage un réseau hydraulique qui alimentera trente-neuf bassins ornés d’animaux en plomb polychrome crachant des jets d’eau. Chaque bassin illustre un épisode tiré des fables que la tradition attribue au Grec Ésope. L’idée de ce programme décoratif revient, semble-t-il, à Charles Perrault, l’auteur des Contes, chargé auprès de Colbert de suivre les chantiers de Versailles. Ce choix est révélateur du renouveau de la fable en littérature, qui prend son essor en 1668 avec les Six premiers livres des fables d’Ésope mis en forme par M. de La Fontaine et qui s’amplifiera pendant le siècle des Lumières. Le visiteur du bosquet peut admirer Le renard et le corbeau, Le lièvre et la tortue, Le lion et le rat… et d’autre fables encore, interprétées par 333 animaux conçus par Le Brun et sculptés par des artistes de talent, bien connus à Versailles, comme Tuby, Le Hongre, Marsy ou Desjardins… L’habillage des bassins bénéficie d’un fin rocaillage enrichi de coquillages, d’améthyste, de quartz, de pâte de verre et de végétaux en métal … Des quatrains signés Isaac de Benserade, peints en lettres d’or sur des plaques noires en bronze ou plomb, résument chaque fable. Pour le confort et la méditation des promeneurs, on installe des bancs, complétés de trois pavillons de treillage dont un à plafond peint. Loin du mythique labyrinthe de Crète ou sévissait le terrifiant Minotaure, le dédale versaillais ne cherche pas à égarer son visiteur.

Plan du Labyrinthe de Versailles, Bibliothèque nationale de France. © J.-M. Manaï

Dans ce lieu « délicieux » nous dit Charles Perrault, on voit toujours plusieurs fontaines simultanément, quel que soit l’endroit où l’on se trouve. Le parcours de 750 mètres dure environ une heure, si on s’arrête devant tous les bassins. N’entre pas qui veut dans ce petit « parc d’attraction »… la grille de fer ne s’ouvre qu’aux personnes autorisées, contrairement aux autres bosquets dont l’accès ne sera restreint qu’en 1685. Malgré un style déjà passé de mode à la fin du règne de Louis XIV et un entretien coûteux qu’on abandonne bien vite, le Labyrinthe survit jusqu’en 1775, lors de la replantation des jardins par Louis XVI. Ne subsistent aujourd’hui dans les réserves du Château que trente quatre fragments de fontaines en plomb et les statues complètes de l’Amour et d’Ésope. La Fontaine n’a pas écrit la morale qui accompagnait la disparition de ce lieu merveilleux.

François Appas, responsable des visites conférences au Château

Galerie des Archives de la bibliothèque municipale de Versailles, dans l’hôtel des Affaires étrangères de Louis XV. © DR


La bibliothèque municipale, ministère du Livre

À deux pas du Château, la bibliothèque municipale de Versailles occupe l’ancien hôtel des Affaires étrangères et de la Marine édifié à la demande du ministre Choiseul et de Louis XV, achevé en 1761. L’ingénieur Berthier (père du fameux maréchal d’Empire) conçoit un bâtiment incombustible d’où est banni le bois de charpente. Les plafonds sont en brique et plâtre et les sols en tomettes. Le rez-de- chaussée regroupe des machines de guerre miniatures. Au 1er étage, au bout d’une somptueuse galerie des Archives dont le décor célèbre la diplomatie de Choiseul, le cabinet des Limites conserve les plans et les cartes. Des bureaux occupent les 2e et 3e étage. Au dernier étage, une imprimerie fonctionne jusqu’en 1775. C’est dans ces murs que furent négociés le traité de Versailles et celui de Paris qui mirent fin, en 1783, à la guerre d’indépendance américaine. Les fonds de la bibliothèque, issus en partie des séquestres faits au Château sous la Révolution, en font l’une des plus précieuses collections de livres anciens de France.


À VOIR

L’exposition
Le bosquet du Labyrinthe
Du 14 septembre 2013 au 31 janvier 2014
bibliothèque municipale de Versailles
Galerie Louis XV
5, rue de l’Indépendance américaine

horaires : du mardi au samedi, de 14h-18h. Fermeture dimanche, lundi et jours fériés
Entrée libre

Commissariat :
Élisabeth Maisonnier, conservateur à la bibliothèque.
Commissaires associés : Raphaël Masson, Alexandre Maral, et Timothée Chevalier.

À LIRE :

Le catalogue de l’exposition, sous la direction de Élisabeth Maisonnier et Alexandre Maral, éditions Magelan, 200 p.,

« Le labyrinthe disparu », sur le site du château de Versailles

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