L’« escalier Gabriel » commandé par Louis XV devait conduire aux appartements royaux. Il est resté inachevé jusqu’en 1985. À partir de la mi-novembre, un lustre des designers Ronan et Erwan Bouroullec, conçu avec le concours de Swarovski, va illuminer la construction.
On le sait, Versailles a toujours été propice aux mystères… Mais rarement nouvel aménagement ne fut accompagné de tant de secret. En effet, à l’heure où ces lignes sont imprimées, peu de personnes connaissent l’allure que prendra le « lustre » que le château de Versailles a commandé aux designers Erwan et Ronan Bouroullec pour l’escalier Gabriel. Prenons-en notre parti et entamons, avec eux, une partie de devinettes.
Un lustre ?
La fonction des objets conçus par les Bouroullec est parfois énigmatique. Pensons, par exemple, à ce vase créé en 1997 et qui fut le premier objet publié de ces deux jeunes designers (ils ont alors la trentaine). Il s’agit précisément d’un soliflore mais dont la forme est de prime abord bien éloignée de sa fonction. En effet, l’objet s’apparenterait plutôt à une toupie qui reposerait sur son flanc. Sans une fleur logée dans le tube central qui est entouré d’un anneau, la fonction de l’objet est indécelable. Cet exemple illustre bien la façon dont les Bouroullec imaginent leurs objets : mobilisant leur créativité pour imaginer une forme singulière, plutôt que de « styliser » un archétype.
De la lumière ?
Designers reconnus dans le monde entier, Erwan et Ronan Bouroullec ont dessiné des lampes pour de nombreux éditeurs internationaux. Récemment, pour l’italien Flos, ils créent Piani, une lampe à poser qui semble faire aussi fonction de plateau ou vide-poche. Elle est composée de deux étages superposés, le supérieur éclairant l’étage inférieur mettant ainsi en scène cette mini-architecture. Éteinte, qui pourrait se douter que cet objet éclaire ? Une chose est certaine, Piani est d’abord un objet avant d’être une lampe et vaut tant pour sa forme que pour sa fonction.
Même surprise lorsqu’en 2010, les frères Bouroullec présentent à la célèbre Galerie Kréo un nouveau système de suspension : de longues et nombreuses Lianes (c’est leur nom) luxueusement gainées de cuir tracent des pleins et des déliés entre le plafond et le sol de la galerie. À certains endroits de ces lianes bourgeonnent des globes qui éclairent.
Cet objet – dont le succès fut immédiat – illustre deux lignes de force de leur travail : d’une part, l’inspiration que le monde végétal fournit aux deux créateurs et d’autre part, la légèreté qui se dégage souvent de leurs objets.
Pour l’escalier Gabriel ?
Le « lustre » qui a été commandé pour l’escalier Gabriel (au terme d’un concours lancé voilà deux ans) combinera sans doute les qualités qui signent le travail des Bouroullec : originalité, légèreté et majesté. Quant à son matériau, on peut être certain que Swarovski – mécène de l’opération – ne décevra pas les amateurs de pampilles éclatantes et assurera que, même éteint, ce nouveau lustre illumine de mille feux l’entrée des appartements du Roi.
Emmanuel Bérard,
directeur du département Design, Artcurial.
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°4 (octobre 2013-mars 2014)