magazine du château de versailles

La création croisée d’un manga entre le Japon et la France

Le manga « Marie-Antoinette, la jeunesse d’une reine » de Fuyumi Soryo sort le 21 septembre 2016 en France, en avant-première mondiale. Cet ouvrage est publié au moment où s’ouvrira à la Mori Arts Center Gallery de Tokyo une grande exposition intitulée « Marie-Antoinette, une reine à Versailles » du 25 octobre 2016 au 26 février 2017 organisée par le château de Versailles et Nippon Television. Deux interviews, l’une de l’éditeur Jacques Glénat et l’autre de l’auteur Fuyumi Soryo dévoilent la création de ce projet.

Couverture du manga Marie-Antoinette, la jeunesse d’une reine, coéditions Glénat, Château de Versailles

Interview de Jacques Glénat, co-éditeur de l’ouvrage :

Quel a été l’élément déclencheur d’une création croisée entre le Château de Versailles, Glénat et Kodansha ?

Lors d’un entretien avec Catherine Pégard, présidente du Château de Versailles à propos des albums de BD que nous avons réalisés ensemble (« Le Crépuscule du Roy » et « L’Ombre de la Reine »), nous avons discuté de la manière d’intéresser le public japonais qui visite le monument. En tant qu’éditeur historique de BD et de manga en France, j’ai naturellement proposé de créer un ouvrage adapté.

Comment ce projet de manga japonais sur le Château de Versailles a-t-il été mis en place ? Pourriez-vous nous en décrire les étapes et les raisons qui ont mené à ces choix ?

Nous avons réfléchi aux diverses possibilités de montage de ce projet et comme une exposition autour de Versailles est montrée à Tokyo en 2016, nous avons décidé de solliciter le partenaire historique de Glénat au Japon, Kodansha, pour travailler main dans la main à la création de l’ouvrage.

En 2014, Kodansha et Glénat avaient procédé au titre de formation de nos collaborateurs à un échange d’éditeurs, une éditrice de Kodansha est venue 6 mois chez Glénat et une éditrice de Glénat 3 mois chez Kodansha. La création a donc été confiée à ces deux éditrices, qui ont collaboré tout au long du processus : choix de l’auteur, organisation de sa venue en France pour repérage, allers-retours avec le référent historique, etc.

Pourquoi avoir choisi Mme Fuyumi Soryo, parmi la multitude d’auteurs japonais ?

Nous cherchions un auteur possédant un trait assez réaliste et soigné pour intéresser un large public et pas seulement les lecteurs habituels de manga. Nous avions déjà édité ES – Eternal Sabbath – de Fuyumi Soryo et nous connaissions donc la qualité de son travail.

D’autre part, il nous fallait une personne habituée aux sujets historiques européens et à leurs problématiques. Sur ce domaine, Fuyumi Soryo avait fait ses preuves sur Cesare et nous semblait être la personne idéale pour réaliser cet ouvrage.

Ce projet est une histoire très féminine : deux éditrices et une dessinatrice pour raconter Marie-Antoinette !

À propos des éditions Glénat. Pourriez-vous nous décrire les particularités de votre maison d’édition, de vos publications, en tant qu’éditeur de manga en France depuis « Akira » ?

Glénat est avant tout l’un des majeurs créateurs d’albums de bande dessinée européenne, avec ses propres auteurs, soit plus de 300 nouveautés par an pour le grand public ou la jeunesse. Du point de vue japonais, Glénat est surtout le pionnier du manga en France. Après le lancement d’Akira en 1991, nous avons toujours su proposer de nouvelles découvertes, tant sur des blockbusters comme Dragon Ball ou One Piece, que sur un choix de titres adaptés au public français comme Les Gouttes de Dieu ou Chi, une vie de chat.

Glénat publie les trois genres d’histoires en image qui existent sur notre planète : la bande dessinée traditionnelle, née en France et en Belgique, les comics nés aux USA et le manga né au Japon.

Quel sens ce projet a-t-il dans l’Histoire des Éditions Glénat ?

Après plus de vingt-cinq ans de collaboration entre Kodansha et Glénat, c’est un accord tout à fait nouveau et original entre un éditeur japonais et un éditeur français, formant le premier pont entre les deux cultures, et dont nous sommes d’autant plus fiers chez Glénat que le sujet, Marie-Antoinette, est pleinement français !

Cet ouvrage ouvre des perspectives d’avenir quant aux collaborations possibles Paris-Tokyo entre éditeurs mais bien sûr aussi entre auteurs pour créer de nouvelles histoires, en BD, en manga ou en comics.

Souhaitez-vous continuer à soutenir ce type de production croisée ? Si vous avez déjà des projets concrets en cours, pourriez-vous nous les décrire ?

En tant qu’éditeur, nous sommes évidemment en recherche perpétuelle d’ouvrages novateurs. Nous travaillons avec des auteurs des cinq continents et nous réalisons par exemple, en collaboration avec Disney, de nouvelles histoires de Mickey, écrites et dessinées par les plus grands auteurs BD français qui vont paraître dans tous les pays du monde où sont connus Mickey et Donald !

Nous avons demandé à certains auteurs français de créer de nouvelles histoires dans le mode narratif et le format traditionnel du manga, en espérant mieux faire connaître nos auteurs européens au Japon, comme l’avait réussi, à l’inverse, Katsuhiro Otomo avec « Akira ». Nous voulons créer une véritable rencontre des deux cultures de l’histoire en image.

 


Entretien avec l’auteure, Fuyumi Soryo :

Comment est né ce projet ?
Mes éditrices m’ont fait découvrir divers ouvrages sur le personnage de Louis XVI. Les personnalités intimes de ce roi et de cette reine qui ont vécu cette époque de transition menant à la fin du règne des Bourbons m’ont intéressée, et j’ai eu envie de les mettre en scène à ma façon.

Comment procédez-vous pour recréer aussi fidèlement les décors et costumes du XVIIIe siècle ?
J’ai commencé par étudier les différences entre l’architecture du XVIIIe siècle et celle d’aujourd’hui, évidemment à Versailles mais aussi dans d’autres lieux en France ou en Autriche. L’urbanisation n’était pas aussi importante que de nos jours et le château de Versailles était encore en pleins travaux quand Marie-Antoinette est arrivée en 1770. Les photos n’ont donc pas suffi, j’ai dû me fier à des peintures de l’époque pour reconstituer les lieux. Je m’attendais également à devoir dessiner les vêtements d’après peintures mais, fort heureusement, des habits de courtisans français du XVIIIe siècle étaient conservés au Kyoto Costume Institute. L’établissement me les a montrés, avec les patrons des costumes, me permettant de comprendre la structure de ces habits. En France, j’ai visité le musée Carnavalet, la partie du musée du Louvre consacrée au XVIIIe siècle… Mais c’est avant tout mon séjour de trois semaines à Versailles et mes repérages à l’intérieur du Château qui m’ont aidée. Alexandre Maral, conservateur en chef du Château de Versailles et référent historique de l’album, m’a précisé les lieux demeurés inchangés et expliqué comment d’autres ont été modifiés au cours des siècles. J’ai donc pu reconstituer peu à peu les bâtiments et paysages à partir de ce qui existe encore aujourd’hui et en complétant avec des tableaux de l’époque.

Comment ressentez-vous la sortie simultanée de votre oeuvre en France et au Japon ?
J’espère que mon ouvrage permettra aux Japonais de découvrir sous un autre jour l’Histoire de France et les mœurs des courtisans, et aux Français de découvrir sous un autre visage le manga japonais.


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