Emblème du pouvoir à travers les siècles, de l’excellence de l’art et de la création, monument historique doté d’une aura internationale, le château de Versailles peut intimider. Peut–être parce qu’il cristallise tous ces symboles, le Château veut favoriser la rencontre avec un public qui ne le côtoie pas spontanément. Au printemps, le Château noue, plus fort encore, des liens durables avec ses voisins.
« On ne serait pas juste à vouloir que Versailles rayonne dans le monde si on ne se préoccupait pas d’y intéresser les Français. Petits et grands », soulignait la Présidente du Château, Catherine Pégard, à l’occasion de ses vœux. « C’est à nous de veiller […] à ce que les publics dits éloignés quand ils sont nos voisins, viennent connaître ici le dépaysement que l’on peut leur promettre ». Proposer des voies concrètes pour faciliter l’accès à l’espace muséal et lutter contre les discriminations : voilà qui structure l’avenir solidaire du Château.
« Il s’agit de stimuler la réflexion, l’échange, d’aiguiser les regards, de désamorcer le silence de celui qui pense ne rien savoir, face à la parole de celui qui sait. »
De cette vocation émane tout un éventail de projets qui s’appuient sur des échafaudages subtils de dispositifs et reposent sur un maillage important de partenaires – fondations, tissu associatif, monde éducatif, mairies, régions. Qu’elles ciblent les enfants et les jeunes, les familles, les personnes en recherche d’emploi, éloignés des musées ou en situation de handicap, l’univers carcéral, les actions menées affirment la responsabilité et les intérêts communs que le Château veut partager avec tous. « Il s’agit de stimuler la réflexion, l’échange, d’aiguiser les regards, de désamorcer le silence de celui qui pense ne rien savoir, face à la parole de celui qui sait », explique Mathias Le Galic, chef du service des programmes culturels et scolaires du château de Versailles.
Ces initiatives, lorsqu’elles ne sont pas directement impulsées par le ministère de la Culture et de la Communication, naissent des relations privilégiées qu’entretient le Château avec ses partenaires. Parmi les plus récentes – et les plus spectaculaires – d’entre elles, on se souvient des milliers d’enfants d’Île-de-France venus au Château grâce au soutien du groupe Emerige, mécène de l’exposition « Olafur Eliasson Versailles ».
Au printemps, l’actualité donne un écho particulier à la vocation solidaire du Château qui mène, avec « Démos », « Versailles chorégraphié » et « Jeunes en escale à Trianon », des actions résolument engagées dans les champs du social et du handicap. Un même propos les sous-tend : faciliter, par la pratique d’un art, l’accès à la culture.
Clotilde Nouailhat
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°11 (avril-septembre 2017).
Versailles chorégraphié
Le 24 mai 2017, on dansera dans les jardins de Versailles. Près de trois cents habitants de la ville des Mureaux, tous âges et quartiers confondus, viendront présenter une chorégraphie empruntant aux codes de la danse baroque et jouant des parallèles avec les danses traditionnelles du monde. Les volontaires se préparent depuis quelques mois avec la compagnie de danse Mood / RV6K, fondée par Hervé Sika qui, derrière un nom quelque peu énigmatique, invite à « franchir les frontières, qu’elles soient géographiques, culturelles ou sociales, en s’adressant aux publics rencontrés avec la même exigence, au-delà des déterminismes ; rompre les barrières de l’accès aux œuvres artistiques et culturelles en associant les interventions artistiques aux étapes de création ». Plus qu’un spectacle, le projet offre à ces danseurs amateurs l’occasion très concrète de s’approprier le Domaine, de manière vivante et désacralisée.
Depuis sa création en 2006 par le chorégraphe et danseur Hervé Sika, la compagnie Mood / RV6K s’est fait connaître pour ses projets culturels participatifs, menés dans tout le territoire francilien et en particulier dans les quartiers sensibles. Culture hip-hop, danse contemporaine, cirque, théâtre, la compagnie se nourrit d’influences très diverses et croise régulièrement les chemins de la musique classique. Avec « Versailles chorégraphié », elle développe ce projet sur-mesure porté par le Château et la ville des Mureaux. Conduit en deux temps, ce projet concernera entre 2017 et 2018 plus de 600 habitants des Mureaux.
Démos
Le 18 janvier 2017, l’école de musique et de danse de Trappes-en-Yvelines accueillait dans un joyeux brouhaha les quinze jeunes recrues de l’orchestre « Démos Yvelines ». Avec une émotion gonflée de fierté, un à un, les enfants reçoivent leur nouveau compagnon d’apprentissage, un instrument de musique dont ils auront la pleine responsabilité. Ils ramèneront chez eux, à l’issue de la cérémonie, qui un violon, qui un alto, qui une contrebasse. Des cordes qui vibreront dans quelques mois au Château, avec les vents et les cuivres des orchestres venus d’autres villes.
À l’origine de Démos (Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale), il y a Sistema, un concept venu du Venezuela et imaginé en 1975 par Antonio Abreu, compositeur et ancien ministre de la Culture. L’idée ? Réunir des enfants issus de milieux défavorisés, sans pratique musicale antérieure, dans un orchestre où ils apprendront à jouer d’un instrument. D’abord timidement transposé à Paris en 2010, le projet est passé à une autre échelle en 2016. Sur l’ensemble du territoire, Démos rassemblera trois mille enfants de 7 à 13 ans, répartis dans trente orchestres. La Philharmonie de Paris, pilote du projet, les accueillera tous pour un grand concert final en 2019. Initiateur de la déclinaison yvelinoise du projet, le château de Versailles parraine cent-cinq enfants du département et les accueille régulièrement pour des visites et des ateliers. Pendant trois ans et par groupe de quinze, les jeunes musiciens suivent chaque semaine quatre heures de cours, hors temps scolaire, avec des musiciens de l’orchestre de Paris ou de l’orchestre symphonique Divertimento. Grand moment pour les enfants et leur famille : le 16 juin 2017, le château de Versailles les recevra pour leur premier concert. L’orchestre reviendra montrer ses progrès un an plus tard, en juin 2018.
Jeunes en escale à Trianon
« Dans les jardins, ce sont les rondeurs qui me plaisent. Vraiment, tout est mieux quand il y a de la rondeur », glisse Souleymane. Aux côtés de Lou, Valentin et Paul, Souleymane regarde les clichés qu’ils ont pris quelques semaines auparavant dans les jardins de Versailles, pendant leur journée d’initiation aux côtés de Christophe Fouin, photographe au Château. Puis vient le moment de retrousser ses manches et de retravailler, chacun, la photographie qu’ils ont choisie, à grand renfort d’encre monotype, de dentelles utilisées comme tampon-encreur, de papiers Canson multicolores, de pastels gras et de bâtons de colle. Bienveillantes et exigeantes, les deux plasticiennes qui animent l’atelier les encouragent à tester, à explorer, à tirer le fil de leur imagination.
Dans la droite ligne de l’opération menée en 2015 avec l’association ZigZag Color qui avait abouti à l’exposition des œuvres d’une centaine de personnes souffrant de troubles autistiques dans les jardins de Versailles, le Château s’est lancé dans un nouvel épisode des « Jeunes en escale à Trianon ». Un nouveau partenariat avec l’Institut médico-éducatif Le Bel-Air, au Chesnay, permet à cinquante-trois adolescents en situation de handicap mental de développer leur pratique artistique, en lien direct avec le Château. L’exposition des œuvres réalisées pendant l’année sera inaugurée le 15 mai 2017, dans les jardins de Trianon. Cette action est soutenue par la fondation familiale Terrévent et la Fondation EDF.