Diffusée tout d’abord sur CANAL+, la série Versailles a connu un succès planétaire. Capa Drama et Banijay Studios France viennent de sortir la première saison de la série Marie-Antoinette, avec huit épisodes et la même ambition : donner envie, à travers les personnages, de revenir à notre histoire. Claude Chelli, producteur et directeur
général de Capa Drama, nous raconte.
Claude Chelli, dans quelle mesure cette série sur Marie-Antoinette s’inscrit-elle dans la continuité de Versailles ?
Tout comme Versailles, la série a été tournée en anglais, avec un budget à peu près équivalent, pour être diffusée dans le monde entier. Elle fait jouer de jeunes acteurs, pleins de vivacité et de talents, quasiment de l’âge des protagonistes de l’histoire. Nous cherchions depuis longtemps à poursuivre cette aventure, mais avec une femme comme héroïne, cette fois-ci. Le film The Favorite a provoqué le déclic. Nous avons été complètement subjugués par la fluidité et la spontanéité de ce long métrage qui doit beaucoup au magnifique scénario de Deborah Davis. C’est donc à elle que nous avons confié le projet de faire vivre une nouvelle Marie-Antoinette, ce dont elle avait toujours rêvé !
Qu’est-ce qui distingue cette Marie-Antoinette de celles que nous avons déjà connues au cinéma, celle de Sofia Coppola, en 2006, ou celle de Benoît Jacquot, en 2012 ?
La découverte de ses appartements intérieurs, au cœur du château, a donné le la : il s’agit d’une vision intime – et non pas collective, comme dans le film de Coppola – de cette histoire qui est familiale avant d’être royale. On y voit peu les courtisans, mais ceux de l’entourage proche de Marie-Antoinette qui, selon Deborah Davis, sont à l’origine de la Révolution plus que les outrages faits au peuple. Le duc de Chartres et le comte de Provence font partie des personnages clés de la série que l’on pourrait presque qualifier de « family drama ».
Deborah Davis s’est placée dans la tête de Marie-Antoinette, face à tout ce qu’elle a dû affronter en raison de l’univers ultrarigide élaboré par Louis XIV, bien différent de celui dans lequel elle avait grandi. On y trouve l’omniprésence de sa mère qui veille, comme le révèle leur correspondance, à sa bonne conduite et dont la voix off, au long des épisodes, assaille les pensées de la jeune femme. Le principe de la série donne tout le temps de suivre pas à pas cette Marie-Antoinette à travers ses émotions – peurs, joies, colères… – et au rythme de la musique du chevalier de Saint-George dont des partitions ont été sorties de l’oubli et adaptées pour la circonstance.
Sur quelles sources vous êtes-vous basés pour rentrer ainsi dans la vie intime de la reine ?
Deborah Davis a fait un énorme travail de documentation et de recherche. Elle s’est aussi appuyée sur des experts comme Mathieu da Vinha, directeur scientifique du Centre de recherche du château, qui a suivi d’un œil vigilant le tournage. À partir de ce socle historique s’est élaboré un récit qui va au-delà de la réalité, du moins de ce que l’on en sait, mais qui reste plausible. Ainsi, par exemple, de Marie-Antoinette se heurtant aux portes fermées, qu’elle n’avait pas le droit de toucher, ce qui permet de traduire sa détresse intérieure – elle, véridique et profonde – dans ce palais qu’elle voyait comme une prison. La dramatisation des événements rend les personnages accessibles à tous.
Mais ne trahit-on pas l’histoire en inventant ces passages ?
Vous la trahissez dès que vous la racontez, ne serait-ce qu’avec le langage : si vous n’utilisez pas exactement celui de l’époque, avec son vocabulaire et ses formulations, vous n’êtes déjà plus fidèle. Autant se servir de nos mots actuels qui ont le mérite de toucher directement les spectateurs. De même pour les comportements et les attitudes. Dans la série Versailles, j’ai en tête madame de Montespan se laissant aller un instant dans son fauteuil, appuyant son menton au creux de sa main, tout à coup si humaine… Pensez-vous d’ailleurs que les gens à l’époque restaient, sans cesse, droits comme des i sur leurs chaises ? Cette vision nous a été transmise par un cinéma français très ampoulé, suivant des codes obsolètes. Sortons l’histoire de la naphtaline ! C’est pourtant, je vous l’avoue, le film Si Versailles m’était conté qui m’a fait aimer, tout jeune en Tunisie, cette grandeur de la France. L’élocution, si particulière, et datée, de Sacha Guitry m’a donné envie d’en savoir plus…
Qu’en est-il des décors et des costumes ?
Tout n’a pas été tourné à Versailles pour des raisons d’ouverture au public. Nous sommes venus sur place pour la cour de Marbre, la galerie des Glaces et, surtout, l’opéra. De nombreux détails modernes ont dû être supprimés au montage, des antennes, des gouttières, mais également des éléments d’une autre époque que celle de Marie-Antoinette : Versailles résulte, comme vous le savez bien, d’une superposition de constructions et de décors de périodes très différentes.
Sinon, beaucoup de lieux ont été reconstitués en studio, de manière scrupuleuse, et l’on s’y trompe ! De même pour les costumes qui ont été réalisés spécialement pour la série grâce à un savoir-faire que l’on ne trouve qu’en France et qui respecte rigoureusement les usages de l’époque.
La mode des corsets et des colliers de perles serait revenue grâce à ces séries sur fond d’histoire…
Ce que je sais, c’est que ce sont bien les jeunes qui ont préféré Versailles. Ils se réunissent encore sur les réseaux pour échanger dessus et raconter que cette série les a incités à se replonger dans les livres d’histoire et à visiter le château. C’est ce qui compte finalement.
Propos recueillis par Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles
À VOIR
Marie-Antoinette, une série de Création Originale CANAL +, disponible sur MyCANAL.