Qu’ont écrit les étrangers, depuis la seconde moitié du XVII^e siècle et jusqu’à la Belle Époque, sur le château et son domaine ? Une base en ligne « Visiteurs de Versailles » offre un ensemble désormais significatif de textes laissés à la postérité : lettres, mémoires, journaux de voyage, guides, chroniques de presse, etc.

Le Centre de recherche du château de Versailles travaille depuis cinq ans à la base de données « Visiteurs de Versailles » pour laquelle il s’est donné les moyens de la rendre la plus accessible possible. Le grand public comme les chercheurs sont invités à se plonger dans ce corpus réuni par Flavie Leroux¹, coordinatrice du projet. « Ce qui est très intéressant, c’est que ces visiteurs venus de loin ont porté un regard différent sur la Cour et fourni des informations que les Français n’ont pas pris forcément la peine de préciser », explique la jeune chercheuse.

Une très grande variété de témoignages
Les points de vue sont très divers, ne serait-ce qu’en raison de l’origine géographique de leurs auteurs. Une grande partie d’entre eux (plus de 65 % des textes référencés) provient des terres anglo-saxonnes avec, en tête, les Américains, qui se sont beaucoup exprimés au XIX^e siècle, puis les Britanniques. Les profils frappent également par leur variété, depuis la jeune Martha Babcock Amory correspondant avec sa mère ou les étudiants sur le chemin du Grand Tour jusqu’aux envoyés diplomatiques officiels. Certains témoignages, rares, mais particulièrement précieux, émanent de personnes de modeste condition, tel ce bouffon accompagnant son maître.

La base « Visiteurs de Versailles », en cette fin d’année, compte 1072 notices, 674 auteurs issus de 43 pays différents et des textes rédigés dans 13 langues. Elle propose de nombreuses entrées en lien avec les auteurs, mais aussi les lieux et les personnages évoqués dans leurs écrits. Il est également possible de se renseigner à travers les événements, petits et grands, qui ont marqué l’histoire du château, depuis le rituel de la journée du Roi jusqu’à ses instants les plus cruciaux, comme les journées des 5 et 6 octobre 1789, en passant par des sujets étroitement liés à Versailles telles les amours royales.

Des sujets récurrents
L’analyse des occurrences a mis en lumière des constantes, le thème le plus abordé étant les Grandes Eaux (311 occurrences) et les travaux commandés par Louis XIV (303 occurrences). La vanité des souverains français et l’idolâtrie de leurs sujets, Marie-Antoinette et sa vie champêtre à Trianon font aussi partie des sujets de prédilection. Les comportements, plus que les lieux eux-mêmes, occupent une place prédominante, contribuant ainsi à l’élaboration d’un véritable mythe. Car, au-delà de ce qui est décrit, parfois très précisément, se manifeste tout ce qui a été fantasmé, avec des scènes parfois improbables comme Louis XV dansant à l’opéra ou Mazarin festoyant aux côtés de Gaston d’Orléans.
Un colloque², en janvier dernier, a attiré l’attention des historiens sur cet outil puissant. Avec un secret espoir : que des chercheurs extérieurs au Château fassent également partager leurs sources, notamment manuscrites, si difficiles d’accès. Ainsi, deux collègues suédois ont spontanément traduit en français et transmis des textes qu’ils avaient dénichés.

Lucie Nicolas-Vullierme,
rédactrice en chef des Carnets de Versailles

1 Pour le programme de recherche « Identités curiales et le mythe de Versailles en Europe : perceptions, adhésions et rejets (XVIII^e-XIX^e siècles) » du CRCV.
2 Colloque intitulé « Le mythe de Versailles et l’Europe des cours ».

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À CONSULTER

• La base en ligne « Visiteurs de Versailles » sur chateauversailles-recherche.fr et le site architrave.eu
• La série d’articles « Visiteurs » sur lescarnetsdeversailles.fr