Alicia Bryan parle d’héritage, à préserver et à promouvoir,
quand elle évoque ses propres racines qui remontent aux pionniers
de l’Ouest américain. Elle va désormais veiller sur un autre patrimoine
en tant que nouvelle Présidente des American Friends of Versailles.
C’est une histoire ininterrompue depuis que Louis XVI a décidé d’apporter son soutien à la guerre d’Indépendance des États-Unis. Ce choix a tissé les liens particuliers entre nos deux pays que le château de Versailles n’a cessé d’illustrer. Les American Friends of Versailles, par leur engagement à la suite de John D. Rockefeller dont la générosité « sauva » Versailles, ruiné après la Première Guerre mondiale, contribuent à le faire revivre aux yeux du monde. Après Catharine Hamilton qui, avec un dévouement passionné, incarna, pendant vingt-cinq ans, cette amitié, Alicia Bryan ouvre une nouvelle page de l’histoire américaine de Versailles.
Où avez-vous passé votre enfance ?
Née à Austin, au Texas, j’y ai passé mes premières années avant de déménager à New York, puis de terminer le lycée dans le New Jersey. Je suis ensuite revenue à mes racines, à Austin, pour suivre un cursus en histoire de l’art qui a fait naître ma fascination pour les histoires racontées à travers les coups de pinceau et la création. Je suis allée ensuite en Suisse, à l’American College of Switzerland, où j’ai élargi mes horizons à l’international. Enfin, j’ai approfondi mes études à The Art Institute, au Texas, où j’ai obtenu un diplôme d’architecte d’intérieur.
Parlez-nous de votre famille et de votre mode de vie.
Ma vie familiale a constitué le complément idéal à mes aspirations professionnelles, entre vie quotidienne à Houston, séjours dans notre ranch, à l’extrême ouest du Texas, et merveilleuses vacances à Long Island, formant une riche palette de souvenirs. Mes parents organisaient souvent des réceptions dans ces différents lieux, remplis de rires et de joie ; ils avaient l’habitude d’y convier des gens passionnants qui faisaient carrière dans les arts et le divertissement, mais également des écrivains ou historiens renommés.
Votre grand-mère aussi vous a beaucoup influencée…
Ma grand-mère, une femme très belle et talentueuse, m’a transmis ses connaissances en matière de mobilier, de design, de peinture, avec une collection abritant des trésors des impressionnistes, mais aussi de délices culinaires françaises. Elle était également douée dans l’art de recevoir, organisant, sans effort apparent, des dîners inoubliables. Impeccablement vêtue, elle incarnait l’élégance et la sophistication à la française. C’est elle qui a réellement nourri mon amour pour tout ce qui a trait à la France.
Ainsi est donc née votre passion pour l’histoire et le patrimoine !
Descendante de colons anglais, je viens d’une famille profondément ancrée dans l’histoire, dont les racines remontent jusqu’au « père du Texas », Stephen F. Austin. Le profond respect de cet illustre héritage s’est traduit, chez moi, par une recherche fervente des livres rares, des documents et des tableaux associés à notre lignée et aux débuts de l’histoire du Texas. Mon grand-père et mon père en étaient déjà tous deux des collectionneurs passionnés, mon père finissant par créer le Bryan Museum, à Galveston, qui propose une perspective complète sur la riche aventure de la conquête de l’Ouest. La contribution pérenne de la France à l’histoire de l’Amérique figure en bonne place dans cette fresque.
Comment s’est développé votre intérêt pour la France ?
Un programme d’échanges avec un lycée de Vichy, puis mes études en Suisse ont affermi encore davantage mon goût pour la culture française. Je me rendais alors régulièrement à Paris où j’ai approfondi la langue et la découverte de ces beautés qui me captivaient depuis l’enfance. Mais je suis véritablement entrée dans ce royaume à travers la gastronomie, comme sous-cheffe dans une prestigieuse école culinaire française à Houston ! Mon exploration de la culture française est une aventure de toute une vie !
Quel est votre premier souvenir de Versailles ?
Pénétrer dans l’enceinte de Versailles pour la première fois, c’était comme pénétrer dans un univers que je n’avais pu entrevoir qu’en rêve, un lieu où beauté et histoire étaient parfaitement imbriquées. Mais Versailles n’est pas uniquement un lieu : c’est également un symbole du pouvoir pérenne de la créativité humaine. Difficile de choisir entre le bastion de beauté et d’artisanat voulu par Louis XIV et les contributions enchanteresses de Marie-Antoinette. Chacun confère, pour moi, au monument un charme et une allure qui lui sont propres, une inspiration visuelle pour l’âme.
Pourquoi avez-vous accepté de devenir Présidente des American Friends ?
C’est le point culminant de ma passion de toujours pour ce splendide monument. J’ai été motivée par les remarquables accomplissements de Catharine Hamilton qui m’ont fortement inspirée, avec la nécessité de perpétuer son héritage visionnaire. Je veux favoriser le renforcement des liens entre l’Amérique et la France, encouragée par notre histoire et notre amour de la liberté partagés. Je veux aussi convaincre les jeunes générations de l’importance de la protection de notre patrimoine collectif.
Quel est votre premier rendez-vous à Versailles ?
Je compte convier mes amis à vivre une expérience absolument unique à l’occasion de notre gala annuel qui se tiendra du 31 mai au 2 juin. Nous nous plongerons dans la magie de Versailles pendant plus de quatre jours de célébration.
Propos recueillis par Catherine Pégard,
Présidente de l’Établissement public du château,
du musée et du domaine national de Versailles
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n°24 (avril 2024 – septembre 2024).