Les cavaliers sont aujourd’hui les bienvenus dans le parc du château de Versailles. Qu’en était-il autrefois, à l’époque où les chevaux faisaient partie de la vie quotidienne ? Il n’est pas toujours aisé de le déterminer, mais les archives du Château permettent d’en retrouver la trace.
Le domaine de Versailles a histoire liée avec la pratique équestre. Il a été créé pour les chasses royales, et les représentations peintes ou gravées du Roi et de ses officiers sur leurs montures, au premier plan du Château, nous sont familières. En revanche, la possibilité donnée à tout cavalier de pouvoir arpenter les allées du parc reste un sujet obscur. Dans les archives, quelques consignes et règlements de visite, la mention de barrières en certains endroits et à certains moments, permettent de saisir les usages. En révélant l’interdit, ils laissent aussi entrevoir, en creux, ce qui était autorisé ou ce qui se pratiquait et que l’on cherchait à bannir. La présence des chevaux s’esquisse alors.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le Petit Parc1 apparaît comme un lieu très ouvert, que l’on ne clôt qu’en certaines circonstances comme les parties de chasse du Roi. Les Suisses postés aux différentes entrées du mur d’enceinte voient passer quotidiennement promeneurs, « curieux », et même « voyageurs » dont on devine qu’ils traversent le Domaine de part en part. Les sources ne précisent pas forcément le mode de locomotion de ces visiteurs. Aucune mesure ne vient caractériser les cavaliers, tant le cheval se fond dans la vie quotidienne. Si une sélection doit être opérée, elle porte avant tout sur la qualité des personnes, « gens à pied et à cheval correctement vêtus », comme dans ces instructions pour Marly en 1763. Une fois dans le parc, l’accès aux différentes allées n’est pas toujours total. L’administration du Domaine, qui fait procéder au printemps à la mise en culture par des fermiers des environs, peut, par exemple, bloquer la circulation par des obstacles. Seules les voies conduisant aux portes sont alors dévolues à la promenade.
Des tourniquets à l’entrée des jardins
Dans les jardins, en revanche, la situation est moins ambivalente. La présence des chevaux n’est pas admise, car il faut protéger les parterres et le fragile ensemble décoratif. Dès 1680, des tourniquets destinés à empêcher les chevaux de passer sont ajoutés aux barrières situées en différents points. Mais le dispositif a pu, à certains moments, être défaillant, ou l’interdit moins respecté. En 1775, le comte d’Angiviller, directeur général des Bâtiments du roi, s’indigne que « tout passe », des chevaux et voitures de particuliers aux chevaux de poste, et « qu’on s’attache plus que jamais à ne voir qu’un grand chemin dans les jardins ».
Un siècle plus tard, en février 1871, le régisseur du palais de Versailles s’inquiète à son tour des conséquences du passage continuel de voitures et du piétinement des chevaux dans les jardins. Il constate de toutes parts des « traces de manège ». Le château de Versailles est alors sous occupation prussienne, circonstance exceptionnelle qui rend plus difficile la surveillance. L’empereur d’Allemagne lui-même, tout juste proclamé dans la galerie des Glaces, remarque, lors d’une promenade, que le Tapis vert est fortement abîmé par les cavaliers et les voitures. Il demande l’installation de palissades supplémentaires.
L’essor d’une pratique sportive et de sociabilité
La fin du XIXe siècle voit l’essor d’une pratique équestre sportive et de sociabilité au sein d’une certaine partie de la société. La promenade à cheval dans le Parc, comme dans le bois de Boulogne, devient particulièrement prisée. En avril 1860, décision est prise d’ouvrir aux cavaliers et aux voitures suspendues la voie circulaire entre le Grand Canal et les jardins. Les surveillants des grilles des Matelots et de la Petite Venise dénombreront plus de 500 cavaliers par mois, dont 862 pour celui de juillet. Parmi ceux-ci se trouvent probablement de nombreux officiers de cavalerie casernés à Versailles, ville de garnison, notamment aux Grandes et Petites Écuries.
Indice de cette forte demande, un règlement de visite datant de 1872 stipule, dès son premier article, que « la promenade à cheval est interdite dans le domaine de Trianon ». L’évolution de la place du cheval, supplanté peu à peu par la voiture comme moyen de locomotion, pousse l’administration à singulariser désormais les cavaliers. Le souci d’une bonne coexistence entre les différents types de promeneurs prévaut peu à peu. La bicyclette, apparue dans les années 1860, se fait de plus en plus présente. Le cheval, quant à lui, disparaît des règlements de visite au fur et à mesure qu’il cesse de fréquenter le Domaine.
Karine Mc Grath,
Chef du service des archives du château de Versailles
1. On désignait alors ainsi la partie située au-delà des jardins, de la tête du Grand Canal à l’Étoile royale, de la Ménagerie au domaine de Trianon, par opposition au Grand Parc qui fut aliéné sous la Révolution française.
Cet article est extrait des Carnets de Versailles n° 14 (octobre 2018 – mars 2019).
Remise en selle
Parcours équestre agrandi, accès simplifié : une nouvelle réglementation vient d’être adoptée afin de faciliter l’accueil des cavaliers au sein du domaine de Versailles. Récemment encore, les promenades équestres dans le parc de Versailles étaient circonscrites à l’ouest du bras transversal du Grand Canal. Désormais, le parcours équestre est étendu le long du domaine de Trianon, autour de l’Étoile royale et au sud-ouest du Grand Canal, en direction de la grille des Matelots. Il inclut également le pourtour de la pièce d’Eau des Suisses. Plusieurs entrées permettent d’y accéder : la grille de la Reine et la porte Saint-Antoine, près de laquelle peuvent stationner camions et vans, mais aussi la grille de l’Étoile royale, ouverte aux personnes à cheval uniquement. Ces nouvelles dispositions font écho à l’actualité. Le 18 juin 2018, le Comité olympique international a confirmé le domaine de Versailles comme site officiel des épreuves d’équitation aux Jeux olympiques 2024.
Les droits d’entrée sont fixés à 6 € pour les personnes à cheval et à 30 € pour un van ou un camion transportant un ou plusieurs chevaux.
Plan du parcours équestre autorisé et formulaire disponibles sur chateauversailles.fr ou transmis sur demande.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le cheval à Versailles, du XVIIe siècle à nos jours, sur le site internet du Château.